Le manifeste du Parti Communiste / Manifesto of the Communist Party — ĐœĐ° Ń„Ń€Đ°ĐœŃ†ŃƒĐ·ŃĐșĐŸĐŒ Đž Đ°ĐœĐłĐ»ĐžĐčсĐșĐŸĐŒ ŃĐ·Ń‹Đșах

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Karl Marx, Friedrich Engels

Le manifeste du Parti Communiste

Karl Marx, Frederick Engels

Manifesto of the Communist Party

Un spectre hante l’Europe: le spectre du communisme. Toutes les puissances de la vieille Europe se sont unies en une Sainte-Alliance pour traquer ce spectre: le pape et le tsar, Metternich et Guizot, les radicaux de France et les policiers d’Allemagne.

A spectre is haunting Europe — the spectre of communism. All the powers of old Europe have entered into a holy alliance to exorcise this spectre: Pope and Tsar, Metternich and Guizot, French Radicals and German police-spies.

Quelle est l’opposition qui n’a pas Ă©tĂ© accusĂ©e de communisme par ses adversaires au pouvoir? Quelle est l’opposition qui, Ă  son tour, n’a pas renvoyĂ© Ă  ses adversaires de droite ou de gauche l’épithĂšte infamante de communiste?

Where is the party in opposition that has not been decried as communistic by its opponents in power? Where is the opposition that has not hurled back the branding reproach of communism, against the more advanced opposition parties, as well as against its reactionary adversaries?

Il en résulte un double enseignement.

Two things result from this fact:

DĂ©jĂ  le communisme est reconnu comme une puissance par toutes les puissances d’Europe.

Communism is already acknowledged by all European powers to be itself a power.

Il est grand temps que les communistes exposent Ă  la face du monde entier, leurs conceptions, leurs buts et leurs tendances; qu’ils opposent au conte du spectre communiste un manifeste du Parti lui-mĂȘme.

It is high time that Communists should openly, in the face of the whole world, publish their views, their aims, their tendencies, and meet this nursery tale of the Spectre of Communism with a manifesto of the party itself.

C’est Ă  cette fin que des communistes de diverses nationalitĂ©s se sont rĂ©unis Ă  Londres et ont rĂ©digĂ© le Manifeste suivant, qui est publiĂ© en anglais, français, allemand, italien, flamand et danois.

To this end, Communists of various nationalities have assembled in London and sketched the following manifesto, to be published in the English, French, German, Italian, Flemish and Danish languages.

I. Bourgeois et prolétaires

I. Bourgeois and Proletarians

L’histoire de toute sociĂ©tĂ© jusqu’à nos jours n’a Ă©tĂ© que l’histoire de luttes de classes.

The history of all hitherto existing society is the history of class struggles.

Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maßtre de jurande et compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantÎt ouverte, tantÎt dissimulée, une guerre qui finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entiÚre, soit par la destruction des deux classes en lutte.

Freeman and slave, patrician and plebeian, lord and serf, guild-master and journeyman, in a word, oppressor and oppressed, stood in constant opposition to one another, carried on an uninterrupted, now hidden, now open fight, a fight that each time ended, either in a revolutionary reconstitution of society at large, or in the common ruin of the contending classes.

Dans les premiÚres époques historiques, nous constatons presque partout une organisation complÚte de la société en classes distinctes, une échelle graduée de conditions sociales. Dans la Rome antique, nous trouvons des patriciens, des chevaliers, des plébéiens, des esclaves; au moyen ùge, des seigneurs, des vassaux, des maßtres de corporation, des compagnons, des serfs et, de plus, dans chacune de ces classes, une hiérarchie particuliÚre.

In the earlier epochs of history, we find almost everywhere a complicated arrangement of society into various orders, a manifold gradation of social rank. In ancient Rome we have patricians, knights, plebeians, slaves; in the Middle Ages, feudal lords, vassals, guild-masters, journeymen, apprentices, serfs; in almost all of these classes, again, subordinate gradations.

La sociĂ©tĂ© bourgeoise moderne, Ă©levĂ©e sur les ruines de la sociĂ©tĂ© fĂ©odale, n’a pas aboli les antagonismes de classes Elle n’a fait que substituer de nouvelles classes, de nouvelles conditions d’oppression, de nouvelles formes de lutte Ă  celles d’autrefois.

The modern bourgeois society that has sprouted from the ruins of feudal society has not done away with class antagonisms. It has but established new classes, new conditions of oppression, new forms of struggle in place of the old ones.

Cependant, le caractĂšre distinctif de notre Ă©poque, de l’époque de la bourgeoisie, est d’avoir simplifiĂ© les antagonismes de classes. La sociĂ©tĂ© se divise de plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes diamĂ©tralement opposĂ©es: la bourgeoisie et le prolĂ©tariat.

Our epoch, the epoch of the bourgeoisie, possesses, however, this distinct feature: it has simplified class antagonisms. Society as a whole is more and more splitting up into two great hostile camps, into two great classes directly facing each other — Bourgeoisie and Proletariat.

Des serfs du moyen ùge naquirent les bourgeois des premiÚres agglomérations urbaines; de cette population municipale sortirent les premiers éléments de la bourgeoisie.

From the serfs of the Middle Ages sprang the chartered burghers of the earliest towns. From these burgesses the first elements of the bourgeoisie were developed.

La dĂ©couverte de l’AmĂ©rique, la circumnavigation de l’Afrique offrirent Ă  la bourgeoisie naissante un nouveau champ d’action. Les marchĂ©s des Indes Orientales et de la Chine, la colonisation de l’AmĂ©rique, le commerce colonial, la multiplication des moyens d’échange et, en gĂ©nĂ©ral, des marchandises donnĂšrent un essor jusqu’alors inconnu au nĂ©goce, Ă  la navigation, Ă  l’industrie et assurĂšrent, en consĂ©quence, un dĂ©veloppement rapide Ă  l’élĂ©ment rĂ©volutionnaire de la sociĂ©tĂ© fĂ©odale en dissolution.

The discovery of America, the rounding of the Cape, opened up fresh ground for the rising bourgeoisie. The East-Indian and Chinese markets, the colonisation of America, trade with the colonies, the increase in the means of exchange and in commodities generally, gave to commerce, to navigation, to industry, an impulse never before known, and thereby, to the revolutionary element in the tottering feudal society, a rapid development.

L’ancien mode d’exploitation fĂ©odal ou corporatif de l’industrie ne suffisait plus aux besoins qui croissaient sans cesse Ă  mesure que s’ouvraient de nouveaux marchĂ©s. La manufacture prit sa place. La moyenne bourgeoisie industrielle supplanta les maĂźtres de jurande; la division du travail entre les diffĂ©rentes corporations cĂ©da la place Ă  la division du travail au sein de l’atelier mĂȘme.

The feudal system of industry, in which industrial production was monopolised by closed guilds, now no longer sufficed for the growing wants of the new markets. The manufacturing system took its place. The guild-masters were pushed on one side by the manufacturing middle class; division of labour between the different corporate guilds vanished in the face of division of labour in each single workshop.

Mais les marchĂ©s s’agrandissaient sans cesse: la demande croissait toujours. La manufacture, Ă  son tour, devint insuffisante. Alors, la vapeur et la machine rĂ©volutionnĂšrent la production industrielle. La grande industrie moderne supplanta la manufacture; la moyenne bourgeoisie industrielle cĂ©da la place aux millionnaires de l’industrie, aux chefs de vĂ©ritables armĂ©es industrielles, aux bourgeois modernes.

Meantime the markets kept ever growing, the demand ever rising. Even manufacturer no longer sufficed. Thereupon, steam and machinery revolutionised industrial production. The place of manufacture was taken by the giant, Modern Industry; the place of the industrial middle class by industrial millionaires, the leaders of the whole industrial armies, the modern bourgeois.

La grande industrie a crĂ©Ă© le marchĂ© mondial, prĂ©parĂ© par la dĂ©couverte de l’AmĂ©rique. Le marchĂ© mondial accĂ©lĂ©ra prodigieusement le dĂ©veloppement du commerce, de la navigation, des voies de communication.

Modern industry has established the world market, for which the discovery of America paved the way. This market has given an immense development to commerce, to navigation, to communication by land.

Ce dĂ©veloppement rĂ©agit Ă  son tour sur l’extension de l’industrie; et, au fur et a mesure que l’industrie, le commerce, la navigation, les chemins de fer se dĂ©veloppaient, la bourgeoisie grandissait, dĂ©cuplant ses capitaux et refoulant Ă  l’arriĂšre-plan les classes lĂ©guĂ©es par le moyen Ăąge.

This development has, in its turn, reacted on the extension of industry; and in proportion as industry, commerce, navigation, railways extended, in the same proportion the bourgeoisie developed, increased its capital, and pushed into the background every class handed down from the Middle Ages.

La bourgeoisie, nous le voyons, est elle-mĂȘme le produit d’un long dĂ©veloppement, d’une sĂ©rie de rĂ©volutions dans le mode de production et les moyens de communication.

We see, therefore, how the modern bourgeoisie is itself the product of a long course of development, of a series of revolutions in the modes of production and of exchange.

A chaque Ă©tape de l’évolution que parcourait la bourgeoisie correspondait pour elle un progrĂšs politique.

Each step in the development of the bourgeoisie was accompanied by a corresponding political advance of that class.

Classe opprimĂ©e par le despotisme fĂ©odal, association armĂ©e s’administrant elle-mĂȘme dans la commune, ici, rĂ©publique urbaine indĂ©pendante; lĂ , tiers Ă©tat taillable et corvĂ©able de la monarchie, puis, durant la pĂ©riode manufacturiĂšre. contrepoids de la noblesse dans la monarchie fĂ©odale ou absolue, pierre angulaire des grandes monarchies, la bourgeoisie, depuis l’établissement de la grande industrie et du marchĂ© mondial, s’est finalement emparĂ©e de la souverainetĂ© politique exclusive dans l’Etat reprĂ©sentatif moderne.

An oppressed class under the sway of the feudal nobility, an armed and self-governing association in the medieval commune: here independent urban republic (as in Italy and Germany); there taxable “third estate” of the monarchy (as in France); afterwards, in the period of manufacturing proper, serving either the semi-feudal or the absolute monarchy as a counterpoise against the nobility, and, in fact, cornerstone of the great monarchies in general, the bourgeoisie has at last, since the establishment of Modern Industry and of the world market, conquered for itself, in the modern representative State, exclusive political sway.

Le gouvernement moderne n’est qu’un comitĂ© qui gĂšre les affaires communes de la classe bourgeoise tout entiĂšre.

The executive of the modern state is but a committee for managing the common affairs of the whole bourgeoisie.

La bourgeoisie a jouĂ© dans l’histoire un rĂŽle Ă©minemment rĂ©volutionnaire.

The bourgeoisie, historically, has played a most revolutionary part.

Partout oĂč elle a conquis le pouvoir, elle a foulĂ© aux pieds les relations fĂ©odales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variĂ©s qui unissent l’homme fĂ©odal Ă  ses “supĂ©rieurs naturels”, elle les a brisĂ©s sans pitiĂ© pour ne laisser subsister d’autre lien, entre l’homme et l’homme, que le froid intĂ©rĂȘt, les dures exigences du “paiement au comptant”.

The bourgeoisie, wherever it has got the upper hand, has put an end to all feudal, patriarchal, idyllic relations. It has pitilessly torn asunder the motley feudal ties that bound man to his “natural superiors”, and has left remaining no other nexus between man and man than naked self-interest, than callous “cash payment”.

Elle a noyĂ© les frissons sacrĂ©s de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalitĂ© petite-bourgeoise dans les eaux glacĂ©es du calcul Ă©goĂŻste. Elle a fait de la dignitĂ© personnelle une simple valeur d’échange; elle a substituĂ© aux nombreuses libertĂ©s, si chĂšrement conquises, l’unique et impitoyable libertĂ© du commerce.

It has drowned the most heavenly ecstasies of religious fervour, of chivalrous enthusiasm, of philistine sentimentalism, in the icy water of egotistical calculation. It has resolved personal worth into exchange value, and in place of the numberless indefeasible chartered freedoms, has set up that single, unconscionable freedom — Free Trade.

En un mot, Ă  la place de l’exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, Ă©hontĂ©e, directe, brutale.

In one word, for exploitation, veiled by religious and political illusions, it has substituted naked, shameless, direct, brutal exploitation.

La bourgeoisie a dĂ©pouillĂ© de leur aurĂ©ole toutes les activitĂ©s qui passaient jusque-lĂ  pour vĂ©nĂ©rables et qu’on considĂ©rait avec un saint respect. Le mĂ©decin, le juriste, le prĂȘtre, le poĂšte, le savant, elle en a fait des salariĂ©s Ă  ses gages.

The bourgeoisie has stripped of its halo every occupation hitherto honoured and looked up to with reverent awe. It has converted the physician, the lawyer, the priest, the poet, the man of science, into its paid wage labourers.

La bourgeoisie a dĂ©chirĂ© le voile de sentimentalitĂ© qui recouvrait les relations de famille et les a rĂ©duites Ă  n’ĂȘtre que de simples rapports d’argent.

The bourgeoisie has torn away from the family its sentimental veil, and has reduced the family relation to a mere money relation.

La bourgeoisie a rĂ©vĂ©lĂ© comment la brutale manifestation de la force au moyen Ăąge, si admirĂ©e de la rĂ©action, trouva son complĂ©ment naturel dans la paresse la plus crasse. C’est elle qui, la premiĂšre, a fait voir ce dont est capable l’activitĂ© humaine. Elle a crĂ©Ă© de tout autres merveilles que les pyramides d’Egypte, les aqueducs romains, les cathĂ©drales gothiques; elle a menĂ© Ă  bien de tout autres expĂ©ditions que les invasions et les croisades.

The bourgeoisie has disclosed how it came to pass that the brutal display of vigour in the Middle Ages, which reactionaries so much admire, found its fitting complement in the most slothful indolence. It has been the first to show what man’s activity can bring about. It has accomplished wonders far surpassing Egyptian pyramids, Roman aqueducts, and Gothic cathedrals; it has conducted expeditions that put in the shade all former Exoduses of nations and crusades.

La bourgeoisie ne peut exister sans rĂ©volutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c’est-Ă -dire l’ensemble des rapports sociaux.

The bourgeoisie cannot exist without constantly revolutionising the instruments of production, and thereby the relations of production, and with them the whole relations of society.

Le maintien sans changement de l’ancien mode de production Ă©tait, au contraire, pour toutes les classes industrielles antĂ©rieures, la condition premiĂšre de leur existence. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant Ă©branlement de tout le systĂšme social, cette agitation et cette insĂ©curitĂ© perpĂ©tuelles distinguent l’époque bourgeoise de toutes les prĂ©cĂ©dentes.

Conservation of the old modes of production in unaltered form, was, on the contrary, the first condition of existence for all earlier industrial classes. Constant revolutionising of production, uninterrupted disturbance of all social conditions, everlasting uncertainty and agitation distinguish the bourgeois epoch from all earlier ones.

Tous les rapports sociaux, figĂ©s et couverts de rouille, avec leur cortĂšge de conceptions et d’idĂ©es antiques et vĂ©nĂ©rables, se dissolvent; ceux qui les remplacent vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout ce qui avait soliditĂ© et permanence s’en va en fumĂ©e, tout ce qui Ă©tait sacrĂ© est profanĂ©, et les hommes sont forcĂ©s enfin d’envisager leurs conditions d’existence et leurs rapports rĂ©ciproques avec des yeux dĂ©sabusĂ©s.

All fixed, fast-frozen relations, with their train of ancient and venerable prejudices and opinions, are swept away, all new-formed ones become antiquated before they can ossify. All that is solid melts into air, all that is holy is profaned, and man is at last compelled to face with sober senses his real conditions of life, and his relations with his kind.

PoussĂ©e par le besoin de dĂ©bouchĂ©s toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s’implanter partout, exploiter partout, Ă©tablir partout des relations.

The need of a constantly expanding market for its products chases the bourgeoisie over the entire surface of the globe. It must nestle everywhere, settle everywhere, establish connexions everywhere.

Par l’exploitation du marchĂ© mondial, la bourgeoisie donne un caractĂšre cosmopolite Ă  la production et Ă  la consommation de tous les pays. Au grand dĂ©sespoir des rĂ©actionnaires, elle a enlevĂ© Ă  l’industrie sa base nationale.

The bourgeoisie has through its exploitation of the world market given a cosmopolitan character to production and consumption in every country. To the great chagrin of Reactionists, it has drawn from under the feet of industry the national ground on which it stood.

Les vieilles industries nationales ont Ă©tĂ© dĂ©truites et le sont encore chaque jour. Elles sont supplantĂ©es par de nouvelles industries, dont l’adoption devient une question de vie ou de mort pour toutes les nations civilisĂ©es, industries qui n’emploient plus des matiĂšres premiĂšres indigĂšnes, mais des matiĂšres premiĂšres venues des rĂ©gions les plus lointaines, et dont les produits se consomment non seulement dans le pays mĂȘme, mais dans toutes les parties du globe.

All old-established national industries have been destroyed or are daily being destroyed. They are dislodged by new industries, whose introduction becomes a life and death question for all civilised nations, by industries that no longer work up indigenous raw material, but raw material drawn from the remotest zones; industries whose products are consumed, not only at home, but in every quarter of the globe.

A la place des anciens besoins, satisfaits par les produits nationaux, naissent des besoins nouveaux, rĂ©clamant pour leur satisfaction les produits des contrĂ©es et des climats les plus lointains. A la place de l’ancien isolement des provinces et des nations se suffisant Ă  elles-mĂȘmes, se dĂ©veloppent des relations universelles, une interdĂ©pendance universelle des nations.

In place of the old wants, satisfied by the production of the country, we find new wants, requiring for their satisfaction the products of distant lands and climes. In place of the old local and national seclusion and self-sufficiency, we have intercourse in every direction, universal inter-dependence of nations.

Et ce qui est vrai de la production matĂ©rielle ne l’est pas moins des productions de l’esprit Les oeuvres intellectuelles d’une nation deviennent la propriĂ©tĂ© commune de toutes. L’étroitesse et l’exclusivisme nationaux deviennent de jour en jour plus impossibles et de la multiplicitĂ© des littĂ©ratures nationales et locales naĂźt une littĂ©rature universelle.

And as in material, so also in intellectual production. The intellectual creations of individual nations become common property. National one-sidedness and narrow-mindedness become more and more impossible, and from the numerous national and local literatures, there arises a world literature.

Par le rapide perfectionnement des instruments de production et l’amĂ©lioration infinie des moyens de communication, la bourgeoisie entraĂźne dans le courant de la civilisation jusqu’aux nations les plus barbares. Le bon marchĂ© de ses produits est la grosse artillerie qui bat en brĂšche toutes les murailles de Chine et contraint Ă  la capitulation les barbares les plus opiniĂątrement hostiles aux Ă©trangers.

The bourgeoisie, by the rapid improvement of all instruments of production, by the immensely facilitated means of communication, draws all, even the most barbarian, nations into civilisation. The cheap prices of commodities are the heavy artillery with which it batters down all Chinese walls, with which it forces the barbarians’ intensely obstinate hatred of foreigners to capitulate.

Sous peine de mort, elle force toutes les nations Ă  adopter le mode bourgeois de production; elle les force Ă  introduire chez elle la prĂ©tendue civilisation, c’est-Ă -dire Ă  devenir bourgeoises. En un mot, elle se façonne un monde Ă  son image.

It compels all nations, on pain of extinction, to adopt the bourgeois mode of production; it compels them to introduce what it calls civilisation into their midst, i.e., to become bourgeois themselves. In one word, it creates a world after its own image.

La bourgeoisie a soumis la campagne Ă  la ville. Elle a crĂ©Ă© d’énormes citĂ©s; elle a prodigieusement augmentĂ© la population des villes par rapport Ă  celles des campagnes, et par lĂ , elle a arrachĂ© une grande partie de la population Ă  l’abrutissement de la vie des champs.

The bourgeoisie has subjected the country to the rule of the towns. It has created enormous cities, has greatly increased the urban population as compared with the rural, and has thus rescued a considerable part of the population from the idiocy of rural life.

De mĂȘme qu’elle a soumis la campagne Ă  la ville, les pays barbares ou demi-barbares aux pays civilisĂ©s, elle a subordonnĂ© les peuples de paysans aux peuples de bourgeois, l’Orient Ă  l’Occident.

Just as it has made the country dependent on the towns, so it has made barbarian and semi-barbarian countries dependent on the civilised ones, nations of peasants on nations of bourgeois, the East on the West.

La bourgeoisie supprime de plus en plus l’émiettement des moyens de production, de la propriĂ©tĂ© et de la population. Elle a agglomĂ©rĂ© la population, centralisĂ© les moyens de production et concentrĂ© la propriĂ©tĂ© dans un petit nombre de mains. La consĂ©quence totale de ces changements a Ă©tĂ© la centralisation politique.

The bourgeoisie keeps more and more doing away with the scattered state of the population, of the means of production, and of property. It has agglomerated population, centralised the means of production, and has concentrated property in a few hands. The necessary consequence of this was political centralisation.

Des provinces indĂ©pendantes, tout juste fĂ©dĂ©rĂ©es entre elles, ayant des intĂ©rĂȘts, des lois, des gouvernements, des tarifs douaniers diffĂ©rents, ont Ă©tĂ© rĂ©unies en une seule nation, avec un seul gouvernement, une seule loi, un seul intĂ©rĂȘt national de classe, derriĂšre un seul cordon douanier.

Independent, or but loosely connected provinces, with separate interests, laws, governments, and systems of taxation, became lumped together into one nation, with one government, one code of laws, one national class-interest, one frontier, and one customs-tariff.

La bourgeoisie, au cours de sa domination de classe Ă  peine sĂ©culaire, a crĂ©Ă© des forces productives plus nombreuses; et plus colossales que l’avaient fait toutes les gĂ©nĂ©rations passĂ©es prises ensemble.

The bourgeoisie, during its rule of scarce one hundred years, has created more massive and more colossal productive forces than have all preceding generations together.

La domestication des forces de la nature, les machines, l’application de la chimie Ă  l’industrie et Ă  l’agriculture, la navigation Ă  vapeur, les chemins de fer, les tĂ©lĂ©graphes Ă©lectriques, le dĂ©frichement de continents entiers, la rĂ©gularisation des fleuves, des populations entiĂšres jaillies du sol — quel siĂšcle antĂ©rieur aurait soupçonnĂ© que de pareilles forces productives dorment au sein du travail social?

Subjection of Nature’s forces to man, machinery, application of chemistry to industry and agriculture, steam-navigation, railways, electric telegraphs, clearing of whole continents for cultivation, canalisation of rivers, whole populations conjured out of the ground — what earlier century had even a presentiment that such productive forces slumbered in the lap of social labour?

Voici donc ce que nous avons vu: les moyens de production et d’échange. sur la base desquels s’est Ă©difiĂ©e la bourgeoise, furent crĂ©Ă©s Ă  l’intĂ©rieur de la sociĂ©tĂ© fĂ©odale.

We see then: the means of production and of exchange, on whose foundation the bourgeoisie built itself up, were generated in feudal society.

A un certain degrĂ© du dĂ©veloppement de ces moyens de production et d’échange, les conditions dans lesquelles la sociĂ©tĂ© fĂ©odale produisait et Ă©changeait, l’organisation fĂ©odale de l’agriculture et de la manufacture, en un mot le rĂ©gime fĂ©odal de propriĂ©tĂ©, cessĂšrent de correspondre aux forces productives en plein dĂ©veloppement. Ils entravaient la production au lieu de la faire progresser. Ils se transformĂšrent en autant de chaĂźnes. Il fallait les briser. Et on les brisa.

At a certain stage in the development of these means of production and of exchange, the conditions under which feudal society produced and exchanged, the feudal organisation of agriculture and manufacturing industry, in one word, the feudal relations of property became no longer compatible with the already developed productive forces; they became so many fetters. They had to be burst asunder; they were burst asunder.

A sa place s’éleva la libre concurrence, avec une constitution sociale et politique appropriĂ©e, avec la suprĂ©matie Ă©conomique et politique de la classe bourgeoise.

Into their place stepped free competition, accompanied by a social and political constitution adapted in it, and the economic and political sway of the bourgeois class.

Nous assistons aujourd’hui Ă  un processus analogue. Les conditions bourgeoises de production et d’échange, le rĂ©gime bourgeois de la propriĂ©tĂ©, la sociĂ©tĂ© bourgeoise moderne, qui a fait surgir de si puissants moyens de production et d’échange, ressemblent au magicien qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu’il a Ă©voquĂ©es.

A similar movement is going on before our own eyes. Modern bourgeois society, with its relations of production, of exchange and of property, a society that has conjured up such gigantic means of production and of exchange, is like the sorcerer who is no longer able to control the powers of the nether world whom he has called up by his spells.

Depuis des dizaines d’annĂ©es, l’histoire de l’industrie et du commerce n’est autre chose que l’histoire de la rĂ©volte des forces productives modernes contre les rapports modernes de production, contre le rĂ©gime de propriĂ©tĂ© qui conditionnent l’existence de la bourgeoisie et sa domination.

For many a decade past the history of industry and commerce is but the history of the revolt of modern productive forces against modern conditions of production, against the property relations that are the conditions for the existence of the bourgeois and of its rule.

Il suffit de mentionner les crises commerciales qui, par leur retour pĂ©riodique, menacent de plus en plus l’existence de la sociĂ©tĂ© bourgeoise. Chaque crise dĂ©truit rĂ©guliĂšrement non seulement une masse de produits dĂ©jĂ  crĂ©Ă©s, mais encore une grande partie des forces productives dĂ©jĂ  existantes elles-mĂȘmes.

It is enough to mention the commercial crises that by their periodical return put the existence of the entire bourgeois society on its trial, each time more threateningly. In these crises, a great part not only of the existing products, but also of the previously created productive forces, are periodically destroyed.

Une Ă©pidĂ©mie qui, Ă  toute autre Ă©poque, eĂ»t semblĂ© une absurditĂ©, s’abat sur la sociĂ©tĂ©, — l’épidĂ©mie de la surproduction. La sociĂ©tĂ© se trouve subitement ramenĂ©e Ă  un Ă©tat de barbarie momentanĂ©e; on dirait qu’une famine, une guerre d’extermination lui ont coupĂ© tous ses moyens de subsistance; l’industrie et le commerce semblent anĂ©antis. Et pourquoi? Parce que la sociĂ©tĂ© a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d’industrie, trop de commerce.

In these crises, there breaks out an epidemic that, in all earlier epochs, would have seemed an absurdity — the epidemic of over-production. Society suddenly finds itself put back into a state of momentary barbarism; it appears as if a famine, a universal war of devastation, had cut off the supply of every means of subsistence; industry and commerce seem to be destroyed; and why? Because there is too much civilisation, too much means of subsistence, too much industry, too much commerce.

Les forces productives dont elle dispose ne favorisent plus le rĂ©gime de la propriĂ©tĂ© bourgeoise; au contraire, elles sont devenues trop puissantes pour ce rĂ©gime qui alors leur fait obstacle; et toutes les fois que les forces productives sociales triomphent de cet obstacle, elles prĂ©cipitent dans le dĂ©sordre la sociĂ©tĂ© bourgeoise tout entiĂšre et menacent l’existence de la propriĂ©tĂ© bourgeoise.

The productive forces at the disposal of society no longer tend to further the development of the conditions of bourgeois property; on the contrary, they have become too powerful for these conditions, by which they are fettered, and so soon as they overcome these fetters, they bring disorder into the whole of bourgeois society, endanger the existence of bourgeois property.

Le systĂšme bourgeois est devenu trop Ă©troit pour contenir les richesses crĂ©Ă©es dans son sein. — Comment la bourgeoisie surmonte-t-elle ces crises? D’un cĂŽtĂ©, en dĂ©truisant par la violence une masse de forces productives; de l’autre, en conquĂ©rant de nouveaux marchĂ©s et en exploitant plus Ă  fond les anciens. A quoi cela aboutit-il? A prĂ©parer des crises plus gĂ©nĂ©rales et plus formidables et Ă  diminuer les moyens de les prĂ©venir.

The conditions of bourgeois society are too narrow to comprise the wealth created by them. And how does the bourgeoisie get over these crises? On the one hand by enforced destruction of a mass of productive forces; on the other, by the conquest of new markets, and by the more thorough exploitation of the old ones. That is to say, by paving the way for more extensive and more destructive crises, and by diminishing the means whereby crises are prevented.

Les armes dont la bourgeoisie s’est servie pour abattre la fĂ©odalitĂ© se retournent aujourd’hui contre la bourgeoisie elle-mĂȘme.

The weapons with which the bourgeoisie felled feudalism to the ground are now turned against the bourgeoisie itself.

Mais la bourgeoisie n’a pas seulement forgĂ© les armes qui la mettront Ă  mort; elle a produit aussi les hommes qui manieront ces armes, les ouvriers modernes, les prolĂ©taires.

But not only has the bourgeoisie forged the weapons that bring death to itself; it has also called into existence the men who are to wield those weapons — the modern working class — the proletarians.

A mesure que grandit la bourgeoisie, c’est-Ă -dire le capital, se dĂ©veloppe aussi le prolĂ©tariat, la classe des ouvriers modernes qui ne vivent qu’à la condition de trouver du travail et qui n’en trouvent que si leur travail accroĂźt le capital. Ces ouvriers, contraints de se vendre au jour le jour, sont une marchandise, un article de commerce comme un autre; ils sont exposĂ©s, par consĂ©quent, Ă  toutes les vicissitudes de la concurrence, Ă  toutes les fluctuations du marchĂ©.

In proportion as the bourgeoisie, i.e., capital, is developed, in the same proportion is the proletariat, the modern working class, developed — a class of labourers, who live only so long as they find work, and who find work only so long as their labour increases capital. These labourers, who must sell themselves piecemeal, are a commodity, like every other article of commerce, and are consequently exposed to all the vicissitudes of competition, to all the fluctuations of the market.

Le dĂ©veloppement du machinisme et la division du travail, en faisant perdre au travail de l’ouvrier tout caractĂšre d’autonomie, lui ont fait perdre tout attrait.

Owing to the extensive use of machinery, and to the division of labour, the work of the proletarians has lost all individual character, and, consequently, all charm for the workman.

Le producteur devient un simple accessoire de la machine, on n’exige de lui que l’opĂ©ration la plus simple, la plus monotone, la plus vite apprise. Par consĂ©quent, ce que coĂ»te l’ouvrier se rĂ©duit, Ă  peu de chose prĂšs, au coĂ»t de ce qu’il lui faut pour s’entretenir et perpĂ©tuer sa descendance.

He becomes an appendage of the machine, and it is only the most simple, most monotonous, and most easily acquired knack, that is required of him. Hence, the cost of production of a workman is restricted, almost entirely, to the means of subsistence that he requires for maintenance, and for the propagation of his race.

Or, le prix du travail, comme celui de toute marchandise, est Ă©gal Ă  son coĂ»t de production. Donc, plus le travail devient rĂ©pugnant, plus les salaires baissent. Bien plus, la somme de labeur s’accroĂźt avec le dĂ©veloppement du machinisme et de la division du travail, soit par l’augmentation des heures ouvrables, soit par l’augmentation du travail exigĂ© dans un temps donnĂ©, l’accĂ©lĂ©ration du mouvement des machines, etc.

But the price of a commodity, and therefore also of labour, is equal to its cost of production. In proportion, therefore, as the repulsiveness of the work increases, the wage decreases. Nay more, in proportion as the use of machinery and division of labour increases, in the same proportion the burden of toil also increases, whether by prolongation of the working hours, by the increase of the work exacted in a given time or by increased speed of machinery, etc.

L’industrie moderne a fait du petit atelier du maĂźtre artisan patriarcal la grande fabrique du capitalisme industriel. Des masses d’ouvriers, entassĂ©s dans la fabrique, sont organisĂ©s militairement. Simples soldats de l’industrie, ils sont placĂ©s sous la surveillance d’une hiĂ©rarchie complĂšte de sous-officiers et d’officiers.

Modern Industry has converted the little workshop of the patriarchal master into the great factory of the industrial capitalist. Masses of labourers, crowded into the factory, are organised like soldiers. As privates of the industrial army they are placed under the command of a perfect hierarchy of officers and sergeants.

Ils ne sont pas seulement les esclaves de la classe bourgeoise, de l’Etat bourgeois, mais encore, chaque jour, Ă  chaque heure, les esclaves de la machine, du contremaĂźtre et surtout du bourgeois fabricant lui-mĂȘme. Plus ce despotisme proclame ouvertement le profit comme son but unique, plus il devient mesquin, odieux, exaspĂ©rant.

Not only are they slaves of the bourgeois class, and of the bourgeois State; they are daily and hourly enslaved by the machine, by the overlooker, and, above all, by the individual bourgeois manufacturer himself. The more openly this despotism proclaims gain to be its end and aim, the more petty, the more hateful and the more embittering it is.

Moins le travail exige d’habiletĂ© et de force, c’est-Ă -dire plus l’industrie moderne progresse, et plus le travail des hommes est supplantĂ© par celui des femmes et des enfants. Les distinctions d’ñge et de sexe n’ont plus d’importance sociale pour la classe ouvriĂšre. Il n’y a plus que des instruments de travail, dont le coĂ»t varie suivant l’ñge et le sexe.

The less the skill and exertion of strength implied in manual labour, in other words, the more modern industry becomes developed, the more is the labour of men superseded by that of women. Differences of age and sex have no longer any distinctive social validity for the working class. All are instruments of labour, more or less expensive to use, according to their age and sex.

Une fois que l’ouvrier a subi l’exploitation du fabricant et qu’on lui a comptĂ© son salaire, il devient la proie d’autres membres de la bourgeoisie: du propriĂ©taire, du dĂ©taillant, du prĂȘteur sur gages, etc., etc.

No sooner is the exploitation of the labourer by the manufacturer, so far, at an end, that he receives his wages in cash, than he is set upon by the other portions of the bourgeoisie, the landlord, the shopkeeper, the pawnbroker, etc.

Petits industriels, marchands et rentiers, artisans et paysans, tout l’échelon infĂ©rieur des classes moyennes de jadis, tombent dans le prolĂ©tariat; d’une part, parce que leurs faibles capitaux ne leur permettant pas d’employer les procĂ©dĂ©s de la grande industrie, ils succombent dans leur concurrence avec les grands capitalistes; d’autre part, parce que leur habiletĂ© technique est dĂ©prĂ©ciĂ©e par les mĂ©thodes nouvelles de production. De sorte que le prolĂ©tariat se recrute dans toutes les classes de la population.

The lower strata of the middle class — the small tradespeople, shopkeepers, and retired tradesmen generally, the handicraftsmen and peasants — all these sink gradually into the proletariat, partly because their diminutive capital does not suffice for the scale on which Modern Industry is carried on, and is swamped in the competition with the large capitalists, partly because their specialised skill is rendered worthless by new methods of production. Thus the proletariat is recruited from all classes of the population.

Le prolĂ©tariat passe par diffĂ©rentes phases d’évolution. Sa lutte contre la bourgeoisie commence avec son existence mĂȘme.

The proletariat goes through various stages of development. With its birth begins its struggle with the bourgeoisie.

La lutte est engagĂ©e d’abord par des ouvriers isolĂ©s, ensuite par les ouvriers d’une mĂȘme fabrique, enfin par les ouvriers d’une mĂȘme branche d’industrie, dans une mĂȘme localitĂ©, contre le bourgeois qui les exploite directement.

At first the contest is carried on by individual labourers, then by the workpeople of a factory, then by the operative of one trade, in one locality, against the individual bourgeois who directly exploits them.

Ils ne dirigent pas seulement leurs attaques contre les rapports bourgeois de production: ils les dirigent contre les instruments de production eux-mĂȘmes; ils dĂ©truisent les marchandises Ă©trangĂšres qui leur font concurrence, brisent les machines, brĂ»lent les fabriques et s’efforcent de reconquĂ©rir la position perdue de l’artisan du moyen age.

They direct their attacks not against the bourgeois conditions of production, but against the instruments of production themselves; they destroy imported wares that compete with their labour, they smash to pieces machinery, they set factories ablaze, they seek to restore by force the vanished status of the workman of the Middle Ages.

A ce stade, le prolĂ©tariat forme une masse dissĂ©minĂ©e Ă  travers le pays et Ă©miettĂ©e par la concurrence. S’il arrive que les ouvriers se soutiennent par l’action de masse, ce n’est pas encore lĂ  le rĂ©sultat de leur propre union, mais de celle de la bourgeoisie qui, pour atteindre ses fins politiques propres, doit mettre en branle le prolĂ©tariat tout entier, et qui possĂšde encore provisoirement le pouvoir de le faire.

At this stage, the labourers still form an incoherent mass scattered over the whole country, and broken up by their mutual competition. If anywhere they unite to form more compact bodies, this is not yet the consequence of their own active union, but of the union of the bourgeoisie, which class, in order to attain its own political ends, is compelled to set the whole proletariat in motion, and is moreover yet, for a time, able to do so.

Durant cette phase, les prolĂ©taires ne combattent donc pas leurs propres ennemis, mais les ennemis de leurs ennemis, c’est-Ă -dire les vestiges de la monarchie absolue, propriĂ©taires fonciers, bourgeois non industriels, petits bourgeois. Tout le mouvement historique est de la sorte concentrĂ© entre les mains de la bourgeoisie; toute victoire remportĂ©e dans ces conditions est une victoire bourgeoise.

At this stage, therefore, the proletarians do not fight their enemies, but the enemies of their enemies, the remnants of absolute monarchy, the landowners, the non-industrial bourgeois, the petty bourgeois. Thus, the whole historical movement is concentrated in the hands of the bourgeoisie; every victory so obtained is a victory for the bourgeoisie.

Or, le dĂ©veloppement de l’industrie, non seulement accroĂźt le nombre des prolĂ©taires, mais les concentre en masses plus considĂ©rables; la force des prolĂ©taires augmente et ils en prennent mieux conscience.

But with the development of industry, the proletariat not only increases in number; it becomes concentrated in greater masses, its strength grows, and it feels that strength more.

Les intĂ©rĂȘts, les conditions d’existence au sein du prolĂ©tariat, s’égalisent de plus en plus, Ă  mesure que la machine efface toute diffĂ©rence dans le travail et rĂ©duit presque partout le salaire Ă  un niveau Ă©galement bas.

The various interests and conditions of life within the ranks of the proletariat are more and more equalised, in proportion as machinery obliterates all distinctions of labour, and nearly everywhere reduces wages to the same low level.

Par suite de la concurrence croissante des bourgeois entre eux et des crises commerciales qui en rĂ©sultent, les salaires deviennent de plus en plus instables; le perfectionnement constant et toujours plus rapide de la machine rend la condition de l’ouvrier de plus en plus prĂ©caire; les collisions individuelles entre l’ouvrier et le bourgeois prennent de plus en plus le caractĂšre de collisions entre deux classes.

The growing competition among the bourgeois, and the resulting commercial crises, make the wages of the workers ever more fluctuating. The increasing improvement of machinery, ever more rapidly developing, makes their livelihood more and more precarious; the collisions between individual workmen and individual bourgeois take more and more the character of collisions between two classes.

Les ouvriers commencent par former des coalitions contre les bourgeois pour la dĂ©fense de leurs salaires. Ils vont jusqu’à constituer des associations permanentes pour ĂȘtre prĂȘts en vue de rĂ©bellions Ă©ventuelles. Çà et lĂ , la lutte Ă©clate en Ă©meute.

Thereupon, the workers begin to form combinations (Trades’ Unions) against the bourgeois; they club together in order to keep up the rate of wages; they found permanent associations in order to make provision beforehand for these occasional revolts. Here and there, the contest breaks out into riots.

Parfois, les ouvriers triomphent; mais c’est un triomphe Ă©phĂ©mĂšre. Le rĂ©sultat vĂ©ritable de leurs luttes est moins le succĂšs immĂ©diat que l’union grandissante des travailleurs.

Now and then the workers are victorious, but only for a time. The real fruit of their battles lies, not in the immediate result, but in the ever expanding union of the workers.

Cette union est facilitĂ©e par l’accroissement des moyens de communication qui sont crĂ©Ă©s par une grande industrie et qui permettent aux ouvriers de localitĂ©s diffĂ©rentes de prendre contact. Or, il suffit de cette prise de contact pour centraliser les nombreuses luttes locales, qui partout revĂȘtent le mĂȘme caractĂšre, en une lutte nationale, en une lutte de classes.

This union is helped on by the improved means of communication that are created by modern industry, and that place the workers of different localities in contact with one another. It was just this contact that was needed to centralise the numerous local struggles, all of the same character, into one national struggle between classes.

Mais toute lutte de classes est une lutte politique, et l’union que les bourgeois du moyen Ăąge mettaient des siĂšcles Ă  Ă©tablir avec leurs chemins vicinaux, les prolĂ©taires modernes la rĂ©alisent en quelques annĂ©es grĂące aux chemins de fer.

But every class struggle is a political struggle. And that union, to attain which the burghers of the Middle Ages, with their miserable highways, required centuries, the modern proletarian, thanks to railways, achieve in a few years.

Cette organisation du prolĂ©tariat en classe, et donc en parti politique, est sans cesse dĂ©truite de nouveau par la concurrence que se font les ouvriers entre eux. Mais elle renaĂźt toujours, et toujours plus forte, plus ferme, plus puissante. Elle profite des dissensions intestines de la bourgeoisie pour l’obliger Ă  reconnaĂźtre, sous forme de loi, certains intĂ©rĂȘts de la classe ouvriĂšre: par exemple le bill de dix heures en Angleterre.

This organisation of the proletarians into a class, and, consequently into a political party, is continually being upset again by the competition between the workers themselves. But it ever rises up again, stronger, firmer, mightier. It compels legislative recognition of particular interests of the workers, by taking advantage of the divisions among the bourgeoisie itself. Thus, the ten-hours’ bill in England was carried.

En gĂ©nĂ©ral, les collisions qui se produisent dans la vieille sociĂ©tĂ© favorisent de diverses maniĂšres le dĂ©veloppement du prolĂ©tariat. La bourgeoisie vit dans un Ă©tat de guerre perpĂ©tuel; d’abord contre l’aristocratie, puis contre ces fractions de la bourgeoisie mĂȘme dont les intĂ©rĂȘts entrent en conflit avec le progrĂšs de l’industrie, et toujours, enfin, contre la bourgeoisie de tous les pays Ă©trangers.

Altogether collisions between the classes of the old society further, in many ways, the course of development of the proletariat. The bourgeoisie finds itself involved in a constant battle. At first with the aristocracy; later on, with those portions of the bourgeoisie itself, whose interests have become antagonistic to the progress of industry; at all time with the bourgeoisie of foreign countries.

Dans toutes ces luttes, elle se voit obligĂ©e de faire appel au prolĂ©tariat, de revendiquer son aide et de l’entraĂźner ainsi dans le mouvement politique. Si bien que la bourgeoisie fournit aux prolĂ©taires les Ă©lĂ©ments de sa propre Ă©ducation, c’est-Ă -dire des armes contre elle-mĂȘme.

In all these battles, it sees itself compelled to appeal to the proletariat, to ask for help, and thus, to drag it into the political arena. The bourgeoisie itself, therefore, supplies the proletariat with its own elements of political and general education, in other words, it furnishes the proletariat with weapons for fighting the bourgeoisie.

De plus, ainsi que nous venons de le voir, des fractions entiĂšres de la classe dominante sont, par le progrĂšs de l’industrie, prĂ©cipitĂ©es dans le prolĂ©tariat, ou sont menacĂ©es, tout au moins, dans leurs conditions d’existence. Elles aussi apportent au prolĂ©tariat une foule d’élĂ©ments d’éducation.

Further, as we have already seen, entire sections of the ruling class are, by the advance of industry, precipitated into the proletariat, or are at least threatened in their conditions of existence. These also supply the proletariat with fresh elements of enlightenment and progress.

Enfin, au moment oĂč la lutte des classes approche de l’heure dĂ©cisive, le processus de dĂ©composition de la classe dominante, de la vieille sociĂ©tĂ© tout entiĂšre, prend un caractĂšre si violent et si Ăąpre qu’une petite fraction de la classe dominante se dĂ©tache de celle-ci et se rallie Ă  la classe rĂ©volutionnaire, Ă  la classe qui porte en elle l’avenir.

Finally, in times when the class struggle nears the decisive hour, the progress of dissolution going on within the ruling class, in fact within the whole range of old society, assumes such a violent, glaring character, that a small section of the ruling class cuts itself adrift, and joins the revolutionary class, the class that holds the future in its hands.

De mĂȘme que, jadis, une partie de la noblesse passa Ă  la bourgeoisie, de nos jours une partie de la bourgeoisie passe au prolĂ©tariat, et, notamment, cette partie des idĂ©ologues bourgeois qui se sont haussĂ©s jusqu’à la comprĂ©hension thĂ©orique de l’ensemble du mouvement historique.

Just as, therefore, at an earlier period, a section of the nobility went over to the bourgeoisie, so now a portion of the bourgeoisie goes over to the proletariat, and in particular, a portion of the bourgeois ideologists, who have raised themselves to the level of comprehending theoretically the historical movement as a whole.

De toutes les classes qui, Ă  l’heure prĂ©sente, s’opposent Ă  la bourgeoisie, le prolĂ©tariat seul est une classe vraiment rĂ©volutionnaire. Les autres classes pĂ©riclitent et pĂ©rissent avec la grande industrie; le prolĂ©tariat, au contraire, en est le produit le plus authentique.

Of all the classes that stand face to face with the bourgeoisie today, the proletariat alone is a really revolutionary class. The other classes decay and finally disappear in the face of Modern Industry; the proletariat is its special and essential product.

Les classes moyennes, petits fabricants, dĂ©taillants, artisans, paysans, tous combattent la bourgeoisie parce qu’elle est une menace pour leur existence en tant que classes moyennes. Elles ne sont donc pas rĂ©volutionnaires, mais conservatrices; bien plus, elles sont rĂ©actionnaires: elles cherchent Ă  faire tourner Ă  l’envers la roue de l’histoire.

The lower middle class, the small manufacturer, the shopkeeper, the artisan, the peasant, all these fight against the bourgeoisie, to save from extinction their existence as fractions of the middle class. They are therefore not revolutionary, but conservative. Nay more, they are reactionary, for they try to roll back the wheel of history.

Si elles sont rĂ©volutionnaires, c’est en considĂ©ration de leur passage imminent au prolĂ©tariat: elles dĂ©fendent alors leurs intĂ©rĂȘts futurs et non leurs intĂ©rĂȘts actuels; elles abandonnent leur propre point de vue pour se placer Ă  celui du prolĂ©tariat.

If by chance, they are revolutionary, they are only so in view of their impending transfer into the proletariat; they thus defend not their present, but their future interests, they desert their own standpoint to place themselves at that of the proletariat.

Quant au lumpenprolétariat, ce produit passif de la pourriture des couches inférieures de la vieille société, il peut se trouver, çà et là, entraßné dans le mouvement par une révolution prolétarienne; cependant, ses conditions de vie le disposeront plutÎt à se vendre à la réaction.

The “dangerous class”, [lumpenproletariat] the social scum, that passively rotting mass thrown off by the lowest layers of the old society, may, here and there, be swept into the movement by a proletarian revolution; its conditions of life, however, prepare it far more for the part of a bribed tool of reactionary intrigue.

Les conditions d’existence de la vieille sociĂ©tĂ© sont dĂ©jĂ  dĂ©truites dans les conditions d’existence du prolĂ©tariat. Le prolĂ©taire est sans propriĂ©tĂ©; ses relations avec sa femme et ses enfants n’ont plus rien de commun avec celles de la famille bourgeoise; le travail industriel moderne, l’asservissement de l’ouvrier au capital, aussi bien en Angleterre qu’en France, en AmĂ©rique qu’en Allemagne, dĂ©pouillent le prolĂ©taire de tout caractĂšre national.

In the condition of the proletariat, those of old society at large are already virtually swamped. The proletarian is without property; his relation to his wife and children has no longer anything in common with the bourgeois family relations; modern industry labour, modern subjection to capital, the same in England as in France, in America as in Germany, has stripped him of every trace of national character.

Les lois, la morale, la religion sont Ă  ses yeux autant de prĂ©jugĂ©s bourgeois derriĂšre lesquels se cachent autant d’intĂ©rĂȘts bourgeois.

Law, morality, religion, are to him so many bourgeois prejudices, behind which lurk in ambush just as many bourgeois interests.

Toutes les classes qui, dans le passé, se sont emparées du pouvoir essayaient de consolider leur situation acquise en soumettant la société aux conditions qui leur assuraient leurs revenus propres.

All the preceding classes that got the upper hand sought to fortify their already acquired status by subjecting society at large to their conditions of appropriation.

Les prolĂ©taires ne peuvent se rendre maĂźtres des forces productives sociales qu’en abolissant leur propre mode d’appropriation d’aujourd’hui et, par suite, tout le mode d’appropriation en vigueur jusqu’à nos jours. Les prolĂ©taires n’ont rien Ă  sauvegarder qui leur appartienne, ils ont Ă  dĂ©truire toute garantie privĂ©e, toute sĂ©curitĂ© privĂ©e antĂ©rieure.

The proletarians cannot become masters of the productive forces of society, except by abolishing their own previous mode of appropriation, and thereby also every other previous mode of appropriation. They have nothing of their own to secure and to fortify; their mission is to destroy all previous securities for, and insurances of, individual property.

Tous les mouvements historiques ont Ă©tĂ©, jusqu’ici, accomplis par des minoritĂ©s ou au profit des minoritĂ©s. Le mouvement prolĂ©tarien est le mouvement spontanĂ© de l’immense majoritĂ© au profit de l’immense majoritĂ©.

All previous historical movements were movements of minorities, or in the interest of minorities. The proletarian movement is the self-conscious, independent movement of the immense majority, in the interest of the immense majority.

Le prolétariat, couche inférieure de la société actuelle, ne peut se soulever, se redresser, sans faire sauter toute la superstructure des couches qui constituent la société officielle.

The proletariat, the lowest stratum of our present society, cannot stir, cannot raise itself up, without the whole superincumbent strata of official society being sprung into the air.

La lutte du prolĂ©tariat contre la bourgeoisie, bien qu’elle ne soit pas, quant au fond, une lutte nationale, en revĂȘt cependant tout d’abord la forme. Il va sans dire que le prolĂ©tariat de chaque pays doit en finir, avant tout, avec sa propre bourgeoisie.

Though not in substance, yet in form, the struggle of the proletariat with the bourgeoisie is at first a national struggle. The proletariat of each country must, of course, first of all settle matters with its own bourgeoisie.

En esquissant Ă  grands traits les phases du dĂ©veloppement du prolĂ©tariat, nous avons retracĂ© l’histoire de la guerre civile, plus ou moins larvĂ©e, qui travaille la sociĂ©tĂ© actuelle jusqu’à l’heure oĂč cette guerre Ă©clate en rĂ©volution ouverte, et oĂč le prolĂ©tariat fonde sa domination par le renversement violent de la bourgeoisie.

In depicting the most general phases of the development of the proletariat, we traced the more or less veiled civil war, raging within existing society, up to the point where that war breaks out into open revolution, and where the violent overthrow of the bourgeoisie lays the foundation for the sway of the proletariat.

Toutes les sociĂ©tĂ©s antĂ©rieures, nous l’avons vu, ont reposĂ© sur l’antagonisme de classes oppressives et de classes opprimĂ©es. Mais, pour opprimer une classe, il faut pouvoir lui garantir des conditions d’existence qui lui permettent, au moins, de vivre dans la servitude.

Hitherto, every form of society has been based, as we have already seen, on the antagonism of oppressing and oppressed classes. But in order to oppress a class, certain conditions must be assured to it under which it can, at least, continue its slavish existence.

Le serf, en plein servage, est parvenu a devenir membre d’une commune, de mĂȘme que le petit-bourgeois s’est Ă©levĂ© au rang de bourgeois, sous le joug de l’absolutisme fĂ©odal.

The serf, in the period of serfdom, raised himself to membership in the commune, just as the petty bourgeois, under the yoke of the feudal absolutism, managed to develop into a bourgeois.

L’ouvrier moderne au contraire, loin de s’élever avec le progrĂšs de l’industrie, descend toujours plus bas, au-dessous mĂȘme des conditions de vie de sa propre classe. Le travailleur devient un pauvre, et le paupĂ©risme s’accroĂźt plus rapidement encore que la population et la richesse.

The modern labourer, on the contrary, instead of rising with the process of industry, sinks deeper and deeper below the conditions of existence of his own class. He becomes a pauper, and pauperism develops more rapidly than population and wealth.

Il est donc manifeste que la bourgeoisie est incapable de remplir plus longtemps son rĂŽle de classe dirigeante et d’imposer Ă  la sociĂ©tĂ©, comme loi rĂ©gulatrice, les conditions d’existence de sa classe. Elle ne peut plus rĂ©gner, parce qu’elle est incapable d’assurer l’existence de son esclave dans le cadre de son esclavage, parce qu’elle est obligĂ©e de le laisser dĂ©choir au point de devoir le nourrir au lieu de se faire nourrir par lui. La sociĂ©tĂ© ne peut plus vivre sous sa domination, ce qui revient Ă  dire que l’existence de la bourgeoisie n’est plus compatible avec celle de la sociĂ©tĂ©.

And here it becomes evident, that the bourgeoisie is unfit any longer to be the ruling class in society, and to impose its conditions of existence upon society as an over-riding law. It is unfit to rule because it is incompetent to assure an existence to its slave within his slavery, because it cannot help letting him sink into such a state, that it has to feed him, instead of being fed by him. Society can no longer live under this bourgeoisie, in other words, its existence is no longer compatible with society.

L’existence et la domination de la classe bourgeoise ont pour condition essentielle l’accumulation de la richesse aux mains des particuliers, la formation et l’accroissement du Capital; la condition d’existence du capital, c’est le salariat. Le salariat repose exclusivement sur la concurrence des ouvriers entre eux.

The essential conditions for the existence and for the sway of the bourgeois class is the formation and augmentation of capital; the condition for capital is wage-labour. Wage-labour rests exclusively on competition between the labourers.

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