La Reine des Neiges / The Snow Queen — w językach francuskim i angielskim

Francusko-angielska dwujęzyczna książka

Hans Christian Andersen

La Reine des Neiges

Hans Christian Andersen

The Snow Queen

Traduction par Ernest Grégoire et Louis Moland. Avec des illustrations de Vilhelm Pedersen.

with illustrations of Vilhelm Pedersen

Première histoire. Qui traite du miroir et de ses morceaux

Story the First, Which Describes a Looking-Glass and the Broken Fragments

Voyons, nous commençons. Quand nous serons au bout de notre conte, nous en saurons bien plus que maintenant, car nous avons parmi nos personnages un vilain merle, le plus méchant de tous, le Diable.

You must attend to the commencement of this story, for when we get to the end we shall know more than we do now about a very wicked hobgoblin; he was one of the very worst, for he was a real demon.

Un jour, il était de bien bonne humeur ; il venait de confectionner un miroir qui avait une merveilleuse propriété : le beau, le bien s’y réfléchissaient, disparaissaient presque entièrement ; tout ce qui était mauvais et déplaisant ressortait, au contraire, et prenait des proportions excessives.

One day, when he was in a merry mood, he made a looking-glass which had the power of making everything good or beautiful that was reflected in it almost shrink to nothing, while everything that was worthless and bad looked increased in size and worse than ever.

Les plus admirables paysages, par ce moyen, ressemblaient à des épinards cuits. Les hommes les meilleurs et les plus honnêtes paraissaient des monstres ; les plus beaux semblaient tout contrefaits : on les voyait la tête en bas ; les visages étaient contournés, grimaçants, méconnaissables ; la plus petite tache de rousseur devenait énorme et couvrait le nez et les joues.

The most lovely landscapes appeared like boiled spinach, and the people became hideous, and looked as if they stood on their heads and had no bodies. Their countenances were so distorted that no one could recognize them, and even one freckle on the face appeared to spread over the whole of the nose and mouth.

« Que c’est donc amusant ! » disait le Diable en contemplant son ouvrage. Lorsqu’une pensée sage ou pieuse traversait l’esprit d’un homme, le miroir se plissait et tremblait. Le Diable enchanté riait de plus en plus de sa gentille invention.

The demon said this was very amusing. When a good or pious thought passed through the mind of any one it was misrepresented in the glass; and then how the demon laughed at his cunning invention.

Les diablotins qui venaient chez lui à l’école, car il était professeur de diablerie, allèrent conter partout qu’un progrès énorme, incalculable, s’accomplissait enfin : c’était seulement à partir de ce jour qu’on pouvait voir au juste ce qu’il en était du monde et des humains.

All who went to the demon’s school—for he kept a school—talked everywhere of the wonders they had seen, and declared that people could now, for the first time, see what the world and mankind were really like.

Ils coururent par tout l’univers avec le fameux miroir, et bientôt il n’y eut plus un pays, plus un homme qui ne s’y fût réfléchi avec des formes de caricature.

They carried the glass about everywhere, till at last there was not a land nor a people who had not been looked at through this distorted mirror.

Ensuite, plus hardis, ils se mirent à voler vers le ciel pour se moquer des anges et du bon Dieu. Plus ils montaient et s’approchaient des demeures célestes, plus le miroir se contournait et frémissait, à cause des objets divins qui s’y reflétaient ; à peine s’ils pouvaient le tenir, tant il se démenait. Ils continuèrent de voler toujours plus haut, toujours plus près des anges et de Dieu. Tout à coup le miroir trembla tellement qu’il échappa aux mains des diablotins impudents ; il retomba sur la terre où il se brisa en des milliards de billiards de morceaux.

They wanted even to fly with it up to heaven to see the angels, but the higher they flew the more slippery the glass became, and they could scarcely hold it, till at last it slipped from their hands, fell to the earth, and was broken into millions of pieces.

Mais il causa alors bien plus de malheurs qu’auparavant.

But now the looking-glass caused more unhappiness than ever, for some of the fragments were not so large as a grain of sand, and they flew about the world into every country.

Ses débris n’étaient pas plus gros que des grains de sable. Le vent les éparpilla à travers le vaste monde. Bien des gens reçurent de cette funeste poussière dans les yeux. Une fois là, elle y restait, et les gens voyaient tout en mal, tout en laid et tout à l’envers. Ils n’apercevaient plus que la tare de chaque créature, que les défectuosités de toute chose ; car chacun des imperceptibles fragments avait la même propriété que le miroir entier.

When one of these tiny atoms flew into a person’s eye, it stuck there unknown to him, and from that moment he saw everything through a distorted medium, or could see only the worst side of what he looked at, for even the smallest fragment retained the same power which had belonged to the whole mirror.

Bien plus, il y eut de ces morceaux qui descendirent jusqu’au cœur de certaines personnes ; alors c’était épouvantable, le cœur de ces personnes devenait comme un morceau de glace, aussi froid et aussi insensible.

Some few persons even got a fragment of the looking-glass in their hearts, and this was very terrible, for their hearts became cold like a lump of ice.

Outre ces innombrables petits débris, il resta du miroir quelques fragments plus considérables, quelques-uns grands comme des carreaux de vitre : il ne faisait pas bon de considérer ses amis à travers ceux-ci.

A few of the pieces were so large that they could be used as window-panes; it would have been a sad thing to look at our friends through them.

D’autres servirent de verres de lunettes : les méchants les mettaient sur leurs yeux pour paraître voir clair et discerner avec une exacte justice. Quand ils avaient ces lunettes sur le nez, ils riaient et ricanaient comme le diable regardant son miroir ; les laideurs qu’ils découvraient partout les flattaient et chatouillaient agréablement leur esprit pervers.

Other pieces were made into spectacles; this was dreadful for those who wore them, for they could see nothing either rightly or justly. At all this the wicked demon laughed till his sides shook—it tickled him so to see the mischief he had done.

C’était un gigantesque miroir ; le vent continua d’en semer les débris à travers les airs. Maintenant, écoutez bien.

There were still a number of these little fragments of glass floating about in the air, and now you shall hear what happened with one of them.

Deuxième histoire. Un petit garçon et une petite fille

Second Story: A Little Boy and a Little Girl

Dans la grande ville il y a tant de maisons, tant de familles, tant de monde, que tous ne peuvent avoir un jardin ; la plupart doivent se contenter de quelques pots de fleurs. Deux enfants de pauvres gens avaient trouvé moyen d’avoir mieux qu’un pot de fleurs et presque un jardin.

In a large town, full of houses and people, there is not room for everybody to have even a little garden, therefore they are obliged to be satisfied with a few flowers in flower-pots. In one of these large towns lived two poor children who had a garden something larger and better than a few flower-pots.

Ils n’étaient pas frère et sœur, mais ils s’aimaient autant.

They were not brother and sister, but they loved each other almost as much as if they had been.

Leurs parents demeuraient dans une étroite ruelle ; ils habitaient deux mansardes en face l’une de l’autre. Les toits des deux maisons se touchaient presque :

Their parents lived opposite to each other in two garrets, where the roofs of neighboring houses projected out towards each other and the water-pipe ran between them.

on pouvait sans danger passer d’une gouttière à l’autre et se rendre visite.

In each house was a little window, so that any one could step across the gutter from one window to the other.

Les enfants avaient devant leur fenêtre chacun une grande caisse de bois remplie de terre, où il poussait des herbes potagères pour le ménage, et aussi dans chaque caisse un rosier.

The parents of these children had each a large wooden box in which they cultivated kitchen herbs for their own use, and a little rose-bush in each box, which grew splendidly.

Les parents eurent l’idée de poser les caisses en travers de la petite ruelle, d’une fenêtre à l’autre : ce fut un embellissement considérable :

Now after a while the parents decided to place these two boxes across the water-pipe, so that they reached from one window to the other and looked like two banks of flowers.

les pois suspendant leurs branches, les rosiers joignant leurs fleurs formaient comme un arc de triomphe magnifique.

Sweet-peas drooped over the boxes, and the rose-bushes shot forth long branches, which were trained round the windows and clustered together almost like a triumphal arch of leaves and flowers.

Les enfants venaient s’asseoir sur de petits bancs entre les rosiers. Quel plaisir, quand on leur permettait d’aller s’amuser ensemble dans ce parterre aérien !

The boxes were very high, and the children knew they must not climb upon them, without permission, but they were often, however, allowed to step out together and sit upon their little stools under the rose-bushes, or play quietly.

L’hiver, leurs plaisirs étaient interrompus. Les fenêtres étaient souvent gelées et les carreaux couverts d’une couche de glace. Les enfants faisaient alors chauffer un schilling de cuivre sur le poêle, ils l’appliquaient sur le carreau, et cela formait un petit judas tout rond, derrière lequel étincelait de chaque côté un petit œil doux et riant : c’étaient le petit garçon et la petite fille.

In winter all this pleasure came to an end, for the windows were sometimes quite frozen over. But then they would warm copper pennies on the stove, and hold the warm pennies against the frozen pane; there would be very soon a little round hole through which they could peep, and the soft bright eyes of the little boy and girl would beam through the hole at each window as they looked at each other.

Il se nommait Kay, elle se nommait Gerda.

Their names were Kay and Gerda.

En été, ils pouvaient donc aller l’un chez l’autre d’un seul saut. En hiver, il leur fallait descendre de nombreux escaliers et en remonter autant. On était en hiver. Au dehors la neige voltigeait par milliers de flocons.

In summer they could be together with one jump from the window, but in winter they had to go up and down the long staircase, and out through the snow before they could meet.

« Ce sont les abeilles blanches, » dit la grand’mère.

“See there are the white bees swarming,” said Kay’s old grandmother one day when it was snowing.

— Ont-elles aussi une reine ? » demanda le petit garçon, car il savait que les abeilles en ont une.

“Have they a queen bee?” asked the little boy, for he knew that the real bees had a queen.

— Certainement, dit la grand’mère. La voilà qui vole là-bas où elles sont en masse. Elle est la plus grande de toutes. Jamais elle ne reste en place, tant elle est voltigeante. Est-elle sur terre, tout à coup elle repart se cacher dans les nuages noirs. Dans les nuits d’hiver, c’est elle qui traverse les rues des villes et regarde à travers les fenêtres qui gèlent alors et se couvrent de fleurs bizarres.

“To be sure they have,” said the grandmother. “She is flying there where the swarm is thickest. She is the largest of them all, and never remains on the earth, but flies up to the dark clouds. Often at midnight she flies through the streets of the town, and looks in at the windows, then the ice freezes on the panes into wonderful shapes, that look like flowers and castles.”

— Oui, oui, c’est ce que j’ai vu ! » dirent à la fois les deux enfants ; et maintenant ils savaient que c’était bien vrai ce que disait la grand’mère.

“Yes, I have seen them,” said both the children, and they knew it must be true.

— La Reine des neiges peut-elle entrer ici ? demanda la petite fille.

“Can the Snow Queen come in here?” asked the little girl.

— Qu’elle vienne donc ! dit Kay, je la mettrai sur le poêle brûlant et elle fondra.

“Only let her come,” said the boy, “I’ll set her on the stove and then she’ll melt.”

Mais la grand’mère se mit à lui lisser les cheveux et raconta d’autres histoires.

Then the grandmother smoothed his hair and told him some more tales.

Le soir de ce jour, le petit Kay était chez lui, à moitié déshabillé, prêt à se coucher. Il mit une chaise contre la fenêtre et grimpa dessus pour regarder le petit trou rond fait au moyen du shilling chauffé. Quelques flocons de neige tombaient lentement. Le plus grand vint se fixer sur le bord d’une des caisses de fleurs ; il grandit, il grandit, et finit par former une jeune fille plus grande que Gerda, habillée de gaze blanche et de tulle bordé de flocons étoilés.

One evening, when little Kay was at home, half undressed, he climbed on a chair by the window and peeped out through the little hole. A few flakes of snow were falling, and one of them, rather larger than the rest, alighted on the edge of one of the flower boxes. This snow-flake grew larger and larger, till at last it became the figure of a woman, dressed in garments of white gauze, which looked like millions of starry snow-flakes linked together.

Elle était belle et gracieuse, mais toute de glace. Elle vivait cependant ; ses yeux étincelaient comme des étoiles dans un ciel d’hiver, et étaient sans cesse en mouvement.

She was fair and beautiful, but made of ice—shining and glittering ice. Still she was alive and her eyes sparkled like bright stars, but there was neither peace nor rest in their glance.

La figure se tourna vers la fenêtre et fit un signe de la main. Le petit garçon eut peur et sauta à bas de la chaise. Un bruit se fit dehors, comme si un grand oiseau passait devant la fenêtre et de son aile frôlait la vitre.

She nodded towards the window and waved her hand. The little boy was frightened and sprang from the chair; at the same moment it seemed as if a large bird flew by the window.

Le lendemain il y eut une belle gelée. Puis vint le printemps ; le soleil apparut, la verdure poussa, les hirondelles bâtirent leurs nids, les fenêtres s’ouvrirent, et les deux enfants se retrouvèrent assis à côté l’un de l’autre dans leur petit jardin là-haut sur le toit.

On the following day there was a clear frost, and very soon came the spring. The sun shone; the young green leaves burst forth; the swallows built their nests; windows were opened, and the children sat once more in the garden on the roof, high above all the other rooms.

Comme les roses fleurirent superbement cet été ! et que le jardin se para à plaisir ! La petite fille avait appris par cœur un cantique où il était question de roses ; quand elle le disait, elle pensait à celles de son jardin. Elle le chanta devant le petit garçon, elle le lui apprit, et tous deux unirent bientôt leurs voix pour chanter :

How beautiful the roses blossomed this summer. The little girl had learnt a hymn in which roses were spoken of, and then she thought of their own roses, and she sang the hymn to the little boy, and he sang too:—

Les roses passent et se fanent. Mais bientĂ´t
Nous reverrons la Noël et l’enfant Jésus.

“Roses bloom and cease to be,
But we shall the Christ-child see.”

Les deux petits embrassaient les fleurs comme pour leur dire adieu. Ils regardaient la clarté du soleil, et souhaitaient presque qu’il hâtât sa course pour revoir plus vite l’enfant Jésus.

Then the little ones held each other by the hand, and kissed the roses, and looked at the bright sunshine, and spoke to it as if the Christ-child were there.

Pourtant, quelles belles journées se succédaient pour eux, pendant qu’ils jouaient à l’ombre des rosiers couverts de fleurs !

Those were splendid summer days. How beautiful and fresh it was out among the rose-bushes, which seemed as if they would never leave off blooming.

Un jour Kay et Gerda se trouvaient là, occupés à regarder, dans un livre d’images, des animaux, des oiseaux, des papillons. L’horloge sonna justement cinq heures à la grande église. Voilà que Kay s’écrie : « Aïe, il m’est entré quelque chose dans l’œil. Aïe, aïe, quelque chose m’a piqué au cœur. »

One day Kay and Gerda sat looking at a book full of pictures of animals and birds, and then just as the clock in the church tower struck twelve, Kay said, “Oh, something has struck my heart!” and soon after, “There is something in my eye.”

La petite fille lui prit le visage entre les mains, et lui regarda dans les yeux qui clignotaient ; non, elle n’y vit absolument rien.

The little girl put her arm round his neck, and looked into his eye, but she could see nothing.

« Je crois que c’est parti, » dit-il. Mais ce n’était pas parti.

“I think it is gone,” he said. But it was not gone;

C’était un des morceaux de ce terrible miroir dont nous avons parlé, de ce miroir, vous vous en souvenez bien, qui fait paraître petit et laid ce qui est grand et beau, qui met en relief le côté vilain et méchant des êtres et des choses, et en fait ressortir les défauts au préjudice des qualités.

it was one of those bits of the looking-glass—that magic mirror, of which we have spoken—the ugly glass which made everything great and good appear small and ugly, while all that was wicked and bad became more visible, and every little fault could be plainly seen.

Le malheureux Kay a reçu dans les yeux un de ces innombrables débris ; l’atome funeste a pénétré jusqu’au cœur, qui va se raccornir et devenir comme un morceau de glace.

Poor little Kay had also received a small grain in his heart, which very quickly turned to a lump of ice.

Kay ne sentait plus aucun mal, mais ce produit de l’enfer était en lui.

He felt no more pain, but the glass was there still.

« — Pourquoi pleures-tu, dit-il à la fillette que son cri de douleur avait émue ; essuie ces larmes, elles te rendent affreuse. Je n’ai plus aucun mal. — Fi donc ! s’écria-t-il en jetant les yeux autour de lui, cette rose est toute piquée de vers ; cette autre est mal faite ; toutes sont communes et sans grâce, comme la lourde boite où elles poussent ! » Il donna un coup de pied dédaigneux contre la caisse et arracha les deux fleurs qui lui avaient déplu.

“Why do you cry?” said he at last; “it makes you look ugly. There is nothing the matter with me now. Oh, see!” he cried suddenly, “that rose is worm-eaten, and this one is quite crooked. After all they are ugly roses, just like the box in which they stand,” and then he kicked the boxes with his foot, and pulled off the two roses.

— Kay ! que fais-tu ? s’écria la petite fille, comme s’il commettait un sacrilège.

“Kay, what are you doing?” cried the little girl; and then, when he saw how frightened she was, he tore off another rose, and jumped through his own window away from little Gerda.

La voyant ainsi effrayée, Kay arracha encore une rose, puis s’élança dans sa mansarde sans dire adieu à sa gentille et chère compagne. Que voulez-vous ? C’était l’effet du grain de verre magique. Le lendemain, ils se mirent à regarder de nouveau dans le livre d’images. Kay n’y vit que d’affreux magots, des êtres ridicules et mal bâtis, des monstres grotesques. Quand la grand’mère racontait de nouveau des histoires, il venait tout gâter avec un mais, ou bien il se plaçait derrière la bonne vieille, mettait ses lunettes et faisait des grimaces. Il ne craignit pas de contrefaire la grand’mère, d’imiter son parler, et de faire rire tout le monde aux dépens de l’aïeule vénérable.

When she afterwards brought out the picture book, he said, “It was only fit for babies in long clothes,” and when grandmother told any stories, he would interrupt her with “but;”. Or, when he could manage it, he would get behind her chair, put on a pair of spectacles, and imitate her very cleverly, to make people laugh.


By-and-by he began to mimic the speech and gait of persons in the street.

Ce goût de singer les personnes qu’il voyait, de reproduire comiquement leurs ridicules, s’était tout à coup développé en lui. On riait beaucoup à le voir ; on disait : « Ce petit garçon est malin, il a de l’esprit. » Il alla jusqu’à taquiner la petite Gerda, qui lui était dévouée de toute son âme. Tout cela ne provenait que de ce fatal grain de verre qui lui était entré au cœur.

All that was peculiar or disagreeable in a person he would imitate directly, and people said, “That boy will be very clever; he has a remarkable genius.” But it was the piece of glass in his eye, and the coldness in his heart, that made him act like this. He would even tease little Gerda, who loved him with all her heart.

Dès lors, il ne joua plus aux mêmes jeux qu’auparavant : il joua à des jeux raisonnables, à des jeux de calcul. Un jour qu’il neigeait (l’hiver était revenu), il prit une loupe qu’on lui avait donnée, et, tendant le bout de sa jacquette bleue au dehors, il y laissa tomber des flocons.

His games, too, were quite different; they were not so childish. One winter’s day, when it snowed, he brought out a burning-glass, then he held out the tail of his blue coat, and let the snow-flakes fall upon it.

« Viens voir à travers le verre, Gerda, » dit Kay. Les flocons à travers la loupe paraissaient beaucoup plus gros ; ils formaient des hexagones, des octogones et autres figures géométriques.

“Look in this glass, Gerda,” said he; and she saw how every flake of snow was magnified, and looked like a beautiful flower or a glittering star.

« Regarde ! reprit Kay, comme c’est arrangée avec art et régularité ; n’est-ce pas bien plus intéressant que des fleurs ? Ici, pas un côté de l’étoile qui dépasse l’autre, tout est symétrique ; il est fâcheux que cela fonde si vite. S’il en était autrement, il n’y aurait rien de plus beau qu’un flocon de neige. ».

“Is it not clever?” said Kay, “and much more interesting than looking at real flowers. There is not a single fault in it, and the snow-flakes are quite perfect till they begin to melt.”

Le lendemain, il vint avec ses gants de fourrures et son traineau sur le dos. Il cria aux oreilles de Gerda comme tout joyeux de la laisser seule : « On m’a permis d’aller sur la grand’place où jouent les autres garçons ! » Aussitôt dit, il disparut.

Soon after Kay made his appearance in large thick gloves, and with his sledge at his back. He called up stairs to Gerda, “I’ve got to leave to go into the great square, where the other boys play and ride.” And away he went.

Là, sur la grand’place, les gamins hardis attachaient leurs traîneaux aux charrettes des paysans et se faisaient ainsi traîner un bout de chemin. C’était une excellente manière de voyager.

In the great square, the boldest among the boys would often tie their sledges to the country people’s carts, and go with them a good way. This was capital.

Kay et les autres étaient en train de s’amuser, quand survint un grand traîneau peint en blanc. On y voyait assis un personnage couvert d’une épaisse fourrure blanche, coiffé de même. Le traîneau fit deux fois le tour de la place. Kay y attacha le sien et se fit promener ainsi.

But while they were all amusing themselves, and Kay with them, a great sledge came by; it was painted white, and in it sat some one wrapped in a rough white fur, and wearing a white cap. The sledge drove twice round the square, and Kay fastened his own little sledge to it, so that when it went away, he followed with it.

Le grand traîneau alla plus vite, encore plus vite ; il quitta la place et fila par la grand’rue. Le personnage qui le conduisait se retourna et fit à Kay un signe de tête amical, comme s’ils étaient des connaissances. Chaque fois que Kay voulait détacher son traineau, le personnage le regardait, en lui adressant un de ses signes de tête, et Kay subjugué restait tranquille. Les voilà qui sortent des portes de la ville.

It went faster and faster right through the next street, and then the person who drove turned round and nodded pleasantly to Kay, just as if they were acquainted with each other, but whenever Kay wished to loosen his little sledge the driver nodded again, so Kay sat still, and they drove out through the town gate.

La neige commençait à tomber à force. Le pauvre petit garçon ne voyait plus à deux pas devant lui ; et toujours on courait avec plus de rapidité. La peur le prit. Il dénoua enfin la corde qui liait son traîneau à l’autre. Mais il n’y eut rien de changé : son petit véhicule était comme rivé au grand traîneau qui allait comme le vent.

Then the snow began to fall so heavily that the little boy could not see a hand’s breadth before him, but still they drove on; then he suddenly loosened the cord so that the large sled might go on without him, but it was of no use, his little carriage held fast, and away they went like the wind.

Kay se mit à crier au secours ; personne ne l’entendit ; la neige tombait de plus en plus épaisse, le traîneau volait dans une course vertigineuse ; parfois il y avait un cahot comme si l’on sautait par-dessus un fossé ou par-dessus une haie ; mais on n’avait pas le temps de les voir.

Then he called out loudly, but nobody heard him, while the snow beat upon him, and the sledge flew onwards. Every now and then it gave a jump as if it were going over hedges and ditches.

Kay était dans l’épouvante. Il voulut prier, dire son Pater ; il n’en put retrouver les paroles ; au lieu de réciter le Pater, il récitait la table de multiplication, et le malheureux enfant se désolait.

The boy was frightened, and tried to say a prayer, but he could remember nothing but the multiplication table.

Les flocons tombaient de plus en plus durs ; ils devenaient de plus en plus gros ; à la fin on eût dit des poules blanches aux plumes hérissées. Tout d’un coup le traîneau tourna de côté et s’arrêta. La personne qui le conduisait se leva : ces épaisses fourrures qui la couvraient étaient toutes de neige d’une blancheur éclatante. Cette personne était une très-grande dame : c’était la Reine des Neiges.

The snow-flakes became larger and larger, till they appeared like great white chickens. All at once they sprang on one side, the great sledge stopped, and the person who had driven it rose up. The fur and the cap, which were made entirely of snow, fell off, and he saw a lady, tall and white, it was the Snow Queen.

« Nous avons été-bon train, dit-elle. Malgré cela, je vois que tu vas geler, mon ami Kay. Viens donc te mettre sous mes fourrures de peaux d’ours. »
Elle le prit, le plaça à côté d’elle, rabattit sur lui son manteau. Elle avait beau parler de ses peaux d’ours, Kay crut s’enfoncer dans une masse de neige.

“We have driven well,” said she, “but why do you tremble? here, creep into my warm fur.” Then she seated him beside her in the sledge, and as she wrapped the fur round him he felt as if he were sinking into a snow drift.

« As-tu encore froid ? » dit-elle. Elle l’embrassa sur le front.

“Are you still cold,” she asked, as she kissed him on the forehead.

Le baiser était plus froid que glace, et lui pénétra jusqu’au cœur qui était déjà à moitié glacé. Il se sentit sur le point de rendre l’âme. Mais ce ne fut que la sensation d’un instant. Il se trouva ensuite tout réconforté et n’éprouva plus aucun frisson.

The kiss was colder than ice; it went quite through to his heart, which was already almost a lump of ice; he felt as if he were going to die, but only for a moment; he soon seemed quite well again, and did not notice the cold around him.

« Mon traîneau ! dit-il ; n’oublie pas mon traîneau ! » C’est à quoi il avait pensé d’abord en revenant à lui. Une des poules blanches qui voltigeaient dans l’air fut attelée au traîneau de l’enfant ; elle suivit sans peine le grand traîneau qui continua sa course.

“My sledge! don’t forget my sledge,” was his first thought, and then he looked and saw that it was bound fast to one of the white chickens, which flew behind him with the sledge at its back.

La Reine des Neiges donna à Kay un second baiser. Il n’eut plus alors le moindre souvenir pour la petite Gerda, pour la grand’mère ni pour les siens.

The Snow Queen kissed little Kay again, and by this time he had forgotten little Gerda, his grandmother, and all at home.

« Maintenant je ne t’embrasserai plus, dit-elle, car un nouveau baiser serait ta mort. »

“Now you must have no more kisses,” she said, “or I should kiss you to death.”

Kay la regarda en face, l’éclatante souveraine ! Qu’elle était belle ! On ne pouvait imaginer un visage plus gracieux et plus séduisant. Elle ne lui parut plus formée de glace comme l’a première fois qu’il l’avait vue devant la fenêtre de la mansarde et qu’elle lui avait fait un signe amical.

Kay looked at her, and saw that she was so beautiful, he could not imagine a more lovely and intelligent face; she did not now seem to be made of ice, as when he had seen her through his window, and she had nodded to him.

Elle ne lui inspirait aucune crainte. Il lui raconta qu’il connaissait le calcul de tête et même par fractions, et qu’il savait le nombre juste des habitants et des lieues carrées du pays. La Reine souriait en l’écoutant. Kay se dit que ce n’était peut-être pas assez de ces connaissances dont il était si fier. Il regarda dans le vaste espace des airs, il se vit emporté avec elle vers les nuages noirs. La tempête sifflait, hurlait : c’était une mélodie sauvage comme celle des antiques chants de combat.

In his eyes she was perfect, and he did not feel at all afraid. He told her he could do mental arithmetic, as far as fractions, and that he knew the number of square miles and the number of inhabitants in the country. And she always smiled so that he thought he did not know enough yet, and she looked round the vast expanse as she flew higher and higher with him upon a black cloud, while the storm blew and howled as if it were singing old songs.

Ils passèrent par-dessus les bois, les lacs, la mer et les continents. Ils entendirent au-dessous d’eux hurler les loups, souffler les ouragans, rouler les avalanches. Au-dessus volaient les corneilles aux cris discordants. Mais plus loin brillait la lune dans sa splendide clarté. Kay admirait les beautés de la longue nuit d’hiver. Le jour venu, il s’endormit aux pieds de la Reine des Neiges.

They flew over woods and lakes, over sea and land; below them roared the wild wind; the wolves howled and the snow crackled; over them flew the black screaming crows, and above all shone the moon, clear and bright,—and so Kay passed through the long winter’s night, and by day he slept at the feet of the Snow Queen.

Troisième histoire. Le jardin de la femme qui savait faire des enchantements

Third Story: The Flower Garden of the Woman Who Could Conjure

Que devint la petite Gerda lorsqu’elle ne vit pas revenir son camarade Kay ?

But how fared little Gerda during Kay’s absence?

où pouvait-il être resté ? Personne n’en savait rien ; personne n’avait vu par où il était passé. Un gamin seulement raconta qu’il l’avait vu attacher son traîneau à un autre, un très grand, qui était sorti de la ville.

What had become of him, no one knew, nor could any one give the slightest information, excepting the boys, who said that he had tied his sledge to another very large one, which had driven through the street, and out at the town gate.

Personne depuis ne l’avait aperçu. Bien des larmes furent versées à cause de lui. La petite Gerda pleura plus que tous.
« Il est mort, disait-elle ; il se sera noyé dans la rivière qui coule près de l’école. »
Et elle recommençait à sangloter. Oh ! que les journées d’hiver lui semblèrent longues et sombres !

Nobody knew where it went; many tears were shed for him, and little Gerda wept bitterly for a long time. She said she knew he must be dead; that he was drowned in the river which flowed close by the school. Oh, indeed those long winter days were very dreary.

Enfin le printemps revint, ramenant le soleil et la joie ; mais Gerda ne se consolait point.

But at last spring came, with warm sunshine.

« Kay est mort, disait-elle encore, il est parti pour toujours.

“Kay is dead and gone,” said little Gerda.

— Je ne crois pas, répondit le rayon de soleil.

“I don’t believe it,” said the sunshine.

— Il est mort : je ne le verrai plus ! dit-elle aux hirondelles.

“He is dead and gone,” she said to the sparrows.

— Nous n’en croyons rien, » répliquèrent celles-ci.
Ă€ la fin, Gerda elle-mĂŞme ne le crut plus.

“We don’t believe it,” they replied; and at last little Gerda began to doubt it herself.

« Je vais mettre mes souliers rouges tout neufs, se dit-elle un matin, ceux que Kay n’a jamais vus, et j’irai trouver la rivière et lui demander si elle sait ce qu’il est devenu. »

“I will put on my new red shoes,” she said one morning, “those that Kay has never seen, and then I will go down to the river, and ask for him.”

Il était de très-bonne heure. Elle donna un baiser à la vieille grand’mère qui dormait encore, et elle mit ses souliers rouges.
Puis elle partit toute seule passa la porte de la ville et arriva au bord de la rivière.

It was quite early when she kissed her old grandmother, who was still asleep; then she put on her red shoes, and went quite alone out of the town gates toward the river.

« Est-il vrai, lui dit-elle, que tu m’as pris mon ami Kay ? Je veux bien te donner mes jolis souliers de maroquin rouge si tu veux me le rendre. »

“Is it true that you have taken my little playmate away from me?” said she to the river. “I will give you my red shoes if you will give him back to me.”

Il lui parut que les vagues lui répondaient par un balancement singulier. Elle prit ses beaux souliers qu’elle aimait par-dessus tout et les lança dans l’eau. Mais elle n’était pas bien forte, la petite Gerda ; ils tombèrent près de la rive, et les petites vagues les repoussèrent à terre. Elle aurait pu voir par là que la rivière ne voulait pas garder ce présent, parce qu’elle n’avait pas le petit Kay à lui rendre en échange.

And it seemed as if the waves nodded to her in a strange manner. Then she took off her red shoes, which she liked better than anything else, and threw them both into the river, but they fell near the bank, and the little waves carried them back to the land, just as if the river would not take from her what she loved best, because they could not give her back little Kay.

Mais Gerda crut qu’elle n’avait pas jeté les souliers assez loin du bord ; elle s’avisa donc de monter sur un bateau qui se trouvait là au milieu des joncs. Elle alla jusqu’à l’extrême bout du bateau, et de là lança de nouveau ses souliers à l’eau. La barque n’était pas attachée au rivage.

But she thought the shoes had not been thrown out far enough. Then she crept into a boat that lay among the reeds, and threw the shoes again from the farther end of the boat into the water, but it was not fastened. And her movement sent it gliding away from the land.

Par le mouvement que lui imprima Gerda, elle s’éloigna du bord. La fillette s’en aperçut et courut pour sauter dehors ; mais lorsqu’elle revint à l’autre bout, il y avait déjà la distance de trois pieds entre la terre et le bateau. Le bateau se mit à descendre la rivière.

When she saw this she hastened to reach the end of the boat, but before she could so it was more than a yard from the bank, and drifting away faster than ever.

Gerda, saisie de frayeur, commença à pleurer. Personne ne l’entendit, excepté les moineaux ; mais ils ne pouvaient pas la rapporter à terre. Cependant, comme pour la consoler, ils volaient le long de la rive et criaient : « Her ere vi ! her ere vi ! ».

Then little Gerda was very much frightened, and began to cry, but no one heard her except the sparrows, and they could not carry her to land, but they flew along by the shore, and sang, as if to comfort her, “Here we are! Here we are!”

La nacelle suivait toujours le cours de l’eau. Gerda avait cessé de pleurer et se tenait tranquille. Elle n’avait aux pieds que ses bas. Les petits souliers rouges flottaient aussi sur la rivière, mais ils ne pouvaient atteindre la barque qui glissait plus vite qu’eux.

The boat floated with the stream; little Gerda sat quite still with only her stockings on her feet; the red shoes floated after her, but she could not reach them because the boat kept so much in advance.

Sur les deux rives poussaient de vieux arbres, de belles fleurs, du gazon touffu où paissaient des moutons ; c’était un beau spectacle. Mais on n’apercevait pas un être humain.

The banks on each side of the river were very pretty. There were beautiful flowers, old trees, sloping fields, in which cows and sheep were grazing, but not a man to be seen.

« Peut-être, pensa Gerda, la rivière me mène-t-elle auprès du petit Kay. » Cette pensée dissipa son chagrin. Elle se leva et regarda longtemps le beau paysage verdoyant.

Perhaps the river will carry me to little Kay, thought Gerda, and then she became more cheerful, and raised her head, and looked at the beautiful green banks; and so the boat sailed on for hours.

Elle arriva enfin devant un grand verger tout planté de cerisiers. Il y avait là une étrange maisonnette dont les fenêtres avaient des carreaux rouges, bleus et jaunes, et dont le toit était de chaume. Sur le seuil se tenaient deux soldats de bois qui présentaient les armes aux gens qui passaient.

At length she came to a large cherry orchard, in which stood a small red house with strange red and blue windows. It had also a thatched roof, and outside were two wooden soldiers, that presented arms to her as she sailed past.

Gerda les appela à son secours : elle les croyait vivants. Naturellement, ils ne bougèrent pas. Cependant la barque approchait de la terre.

Gerda called out to them, for she thought they were alive, but of course they did not answer. And as the boat drifted nearer to the shore, she saw what they really were.

Gerda cria plus fort. Alors sortit de la maisonnette une vieille, vieille femme qui s’appuyait sur une béquille ; elle avait sur la tête un grand chapeau de paille enguirlandé des plus belles fleurs.

Then Gerda called still louder, and there came a very old woman out of the house, leaning on a crutch. She wore a large hat to shade her from the sun, and on it were painted all sorts of pretty flowers.

« Pauvre petite, dit-elle, comment es-tu arrivée ainsi sur le grand fleuve rapide ? Comment as-tu été entraînée si loin à travers le monde ? » Et la bonne vieille entra dans l’eau ; avec sa béquille elle atteignit la barque, l’attira sur le bord, et enleva la petite Gerda.

“You poor little child,” said the old woman, “how did you manage to come all this distance into the wide world on such a rapid rolling stream?” And then the old woman walked in the water, seized the boat with her crutch, drew it to land, and lifted Gerda out.

L’enfant, lorsqu’elle eut de nouveau les pieds sur la terre, se réjouit fort ; toutefois elle avait quelque frayeur de l’étrange vieille femme.

And Gerda was glad to feel herself on dry ground, although she was rather afraid of the strange old woman.

« Raconte-moi, dit-celle-ci, qui tu es et d’où tu viens ? »

“Come and tell me who you are,” said she, “and how came you here.”