Tao Te King / 道德经 — w językach francuskim i chińskim

Francusko-chińska dwujęzyczna książka

Lao Zi

Tao Te King

老子

道德经

Traduit en francais, et publié avec le texte chinois et un commentaire perpetuel par Stanislas Julien

Chapitre I

一章

La voie qui peut être exprimée par la parole n’est pas la Voie éternelle; le nom qui peut être nommé n’est pas le Nom éternel.
(L’être) sans nom est l’origine du ciel et de la terre; avec un nom, il est la mère de toutes choses.
C’est pourquoi, lorsqu’on est constamment exempt de passions, on voit son essence spirituelle; lorsqu’on a constamment des passions, on le voit sous une forme bornée.
Ces deux choses ont une même origine et reçoivent des noms différents. On les appelle toutes deux profondes. Elles sont profondes, doublement profondes. C’est la porte de toutes les choses spirituelles.

道,可道,非常道;名,可名,非常名。无名,天地始;有名,万物母。常无,欲观其妙;常有,欲观其徼。此两者同出而异名,同谓之玄,玄之又玄,众妙之门。

Chapitre II

二章

Dans le monde, lorsque tous les hommes ont su apprécier la beauté (morale), alors la laideur (du vice) a paru.
Lorsque tous les hommes ont su apprécier le bien, alors le mal a paru.
C’est pourquoi l’être et le non-être naissent l’un de l’autre.
Le difficile et le facile se produisent mutuellement.
Le long et le court se donnent mutuellement leur forme.
Le haut et le bas montrent mutuellement leur inégalité.
Les tons et la voix s’accordent mutuellement.
L’antériorité et la postériorité sont la conséquence l’une de l’autre.
De là vient que le saint homme fait son occupation du non-agir.
Il fait consister ses instructions dans le silence.
Alors tous les êtres se mettent en mouvement, et il ne leur refuse rien.
Il les produit et ne se les approprie pas.
Il les perfectionne et ne compte pas sur eux.
Ses mérites étant accomplis, il ne s’y attache pas.
Il ne s’attache pas à ses mérites; c’est pourquoi ils ne le quittent point.

天下皆知美之为美,斯恶已;皆知善之为善,斯不善已。故有无相生,难易相成,长短相形,高下相倾,音声相和,前后相随。是以圣人处无为之事,行不言之教。万物作而不辞,生而不有,为而不恃,成功不居。夫唯不居,是以不去。

Chapitre III

三章

En n’exaltant pas les sages, on empêche le peuple de se disputer.
En ne prisant pas les biens d’une acquisition difficile, on empêche le peuple de se livrer au vol.
En ne regardant point des objets propres à exciter des désirs, on empêche que le cœur du peuple ne se trouble.
C’est pourquoi, lorsque le saint homme gouverne, il vide son cœur, il remplit son ventre (son intérieur), il affaiblit sa volonté, et il fortifie ses os.
Il s’étudie constamment à rendre le peuple ignorant et exempt de désirs.
Il fait en sorte que ceux qui ont du savoir n’osent pas agir.
Il pratique le non-agir, et alors il n’y a rien qui ne soit bien gouverné.

不上贤,使民不争;不贵难得之货,使民不盗;不见可欲,使心不乱。圣人治:虚其心,实其腹,弱其志,强其骨。常使民无知无欲,使知者不敢为,则无不治。

Chapitre IV

四章

Le Tao est (le) vide; si l’on en fait usage, il paraît inépuisable.
Ô qu’il est profond! Il semble le patriarche de tous les êtres.
Il émousse sa subtilité, il se dégage de tous liens, il tempère sa splendeur, il s’assimile à la poussière.
Ô qu’il est pur! Il semble subsister éternellement.
J’ignore de qui il est fils; il semble avoir précédé le maître du ciel.

道冲,而用之久不盈。深乎!万物宗。挫其锐,解其忿,和其光,同其尘。湛常存。吾不知谁子?象帝之先。

Chapitre V

五章

Le ciel et la terre n’ont point d’affection particulière. Ils regardent toutes les créatures comme le chien de paille (du sacrifice).
Le saint homme n’a point d’affection particulière; il regarde tout le peuple comme le chien de paille (du sacrifice).
L’être qui est entre le ciel et la terre ressemble à un soufflet de forge qui est vide et ne s’épuise point, que l’on met en mouvement et qui produit de plus en plus (du vent).
Celui qui parle beaucoup (du Tao) est souvent réduit au silence.
Il vaut mieux observer le milieu.

天地不仁,以万物为刍狗;圣人不仁,以百姓为刍狗。天地之间,其犹橐蘥。虚而不屈,动而俞出。多言数穷,不如守中。

Chapitre VI

六章

L’esprit de la vallée ne meurt pas; on l’appelle la femelle mystérieuse.
La porte de la femelle mystérieuse s’appelle la racine du ciel et de la terre.
Il est éternel et semble exister (matériellement).
Si l’on en fait usage, on n’éprouve aucune fatigue.

谷神不死,是谓玄牝。玄牝门,天地根。绵绵若存,用之不勤。

Chapitre VII

七章

Le ciel et la terre ont une durée éternelle.
S’ils peuvent avoir une durée éternelle, c’est parce qu’ils ne vivent pas pour eux seuls. C’est pourquoi ils peuvent avoir une durée éternelle.
De là vient que le saint homme se met après les autres, et il devient le premier.
Il se dégage de son corps, et son corps se conserve.
N’est-ce pas qu’il n’a point d’intérêts privés?
C’est pourquoi il peut réussir dans ses intérêts privés.

天长地久。天地所以能长久者,以其不自生,故能长久。是以圣人后其身而身先,外其身而身存。以其无私,故能成其私。

Chapitre VIII

八章

L’homme d’une vertu supérieure est comme l’eau.
L’eau excelle à faire du bien aux êtres et ne lutte point.
Elle habite les lieux que déteste la foule.
C’est pourquoi (le sage) approche du Tao.
Il se plaît dans la situation la plus humble.
Son cœur aime à être profond comme un abîme.
S’il fait des largesses, il excelle à montrer de l’humanité.
S’il parle, il excelle à pratiquer la vérité.
S’il gouverne, il excelle à procurer la paix.
S’il agit, il excelle à montrer sa capacité.
S’il se meut, il excelle à se conformer aux temps.
Il ne lutte contre personne; c’est pourquoi il ne reçoit aucune marque de blâme.

上善若水。水善利万物,又不争。处众人之所恶,故几于道。居善地,心善渊,与善人,言善信,政善治,事善能,动善时。夫唯不争,故无尤。

Chapitre IX

九章

Il vaut mieux ne pas remplir un vase que de vouloir le maintenir (lorsqu’il est plein).
Si l’on aiguise une lame, bien qu’on l’explore avec la main, on ne pourra la conserver constamment (tranchante).
Si une salle est remplie d’or et de pierres précieuses, personne ne pourra les garder.
Si l’on est comblé d’honneurs et qu’on s’enorgueillisse, on s’attirera des malheurs.
Lorsqu’on a fait de grandes choses et obtenu de la réputation, il faut se retirer à l’écart.
Telle est la voie du ciel.

持而盈之,不若其以。揣而锐之,不可长保。金玉满堂,莫之能守。富贵而骄,自遗其咎。功成、名遂、身退,天之道。

Chapitre X

十章

L’âme spirituelle doit commander à l’âme sensitive.
Si l’homme conserve l’unité, elles pourront rester indissolubles.
S’il dompte sa force vitale et la rend extrêmement souple, il pourra être comme un nouveau-né.
S’il se délivre des lumières de l’intelligence, il pourra être exempt de toute infirmité (morale).
S’il chérit le peuple et procure la paix au royaume, il pourra pratiquer le non-agir.
S’il laisse les portes du ciel s’ouvrir et se fermer, il pourra être comme la femelle (c’est-à-dire rester au repos).
Si ses lumières pénètrent en tous lieux, il pourra paraître ignorant.
Il produit les êtres et les nourrit.
Il les produit et ne les regarde pas comme sa propriété.
Il leur fait du bien et ne compte pas sur eux.
Il règne sur eux et ne les traite pas en maître.
C’est ce qu’on appelle posséder une vertu profonde.

载营魄抱一,能无离?专气致柔,能婴儿?涤除玄览,能无疵?爱人治国,能无为?天门开阖,能为雌?明白四达,能无知?生之畜之,生而不有,为而不恃,长而不宰,是谓玄德。

Chapitre XI

十一章

Trente rais se réunissent autour d’un moyeu. C’est de son vide que dépend l’usage du char.
On pétrit de la terre glaise pour faire des vases. C’est de son vide que dépend l’usage des vases.
On perce des portes et des fenêtres pour faire une maison. C’est de leur vide que dépend l’usage de la maison.
C’est pourquoi l’utilité vient de l’être, l’usage naît du non-être.

三十辐共一毂,当其无有,车之用。埏埴以为器,当其无有,器之用。凿户牖以为室,当其无有,室之用。有之以为利,无之以为用。

Chapitre XII

十二章

Les cinq couleurs émoussent la vue de l’homme.
Les cinq notes (de musique) émoussent l’ouïe de l’homme.
Les cinq saveurs émoussent le goût de l’homme.
Les courses violentes, l’exercice de la chasse égarent le cœur de l’homme.
Les biens d’une acquisition difficile poussent l’homme à des actes qui lui nuisent.
De là vient que le saint homme s’occupe de son intérieur et ne s’occupe pas de ses yeux.
C’est pourquoi il renonce à ceci et adopte cela.

五色令人目盲;五音令人耳聋;五味令人口爽;驰骋田猎,令人心发狂;难得之货,令人行妨。是以圣人为腹不为目。故去彼取此。

Chapitre XIII

十三章

Le sage redoute la gloire comme l’ignominie; son corps lui pèse comme une grande calamité.
Qu’entend-on par ces mots: il redoute la gloire comme l’ignominie?
La gloire est quelque chose de bas. Lorsqu’on l’a obtenue , on est comme rempli de crainte; lorsqu’on l’a perdue, on est comme rempli de crainte.
C’est pourquoi l’on dit: il redoute la gloire comme l’ignominie.
Qu’entend-on par ces mots: son corps lui pèse comme une grande calamité?
Si nous éprouvons de grandes calamités, c’est parce que nous avons un corps.
Quand nous n’avons plus de corps (quand nous nous sommes dégagés de notre corps), quelles calamités pourrions-nous éprouver?
C’est pourquoi, lorsqu’un homme redoute de gouverner lui-même l’empire, on peut lui confier l’empire; lorsqu’il a regret de gouverner l’empire, on peut lui remettre le soin de l’empire.

宠辱若惊,贵大患若身。何谓宠辱?辱为下。得之若惊,失之若惊,是谓宠辱若惊。何谓贵大患若身?吾所以有大患,为我有身。及我无身,吾有何患!故贵身于天下,若可托天下;爱以身为天下者,若可寄天下。

Chapitre XIV

十四章

Vous le regardez (le Tao) et vous ne le voyez pas: on le dit incolore.
Vous l’écoutez et vous ne l’entendez pas: on le dit aphone.
Vous voulez le toucher et vous ne l’atteignez pas: on le dit incorporel.
Ces trois qualités ne peuvent être scrutées à l’aide de la parole. C’est pourquoi on les confond en une seule.
Sa partie supérieure n’est point éclairée; sa partie inférieure n’est point obscure.
Il est éternel et ne peut être nommé.
Il rentre dans le non-être.
On l’appelle une forme sans forme, une image sans image.
On l’appelle vague, indéterminé.
Si vous allez au-devant de lui, vous ne voyez point sa face; si vous le suivez vous ne voyez point son dos.
C’est en observant le Tao des temps anciens qu’on peut gouverner les existences d’aujourd’hui.
Si l’homme peut connaître l’origine des choses anciennes, on dit qu’il tient le fil du Tao.

视之不见,名曰夷;听之不闻,名曰希;抟之不得,名曰微。此三者不可致诘,故混而为一。其上不曒,在下不昧。绳绳不可名,复归于无物。是谓无状之状,无物之象,是谓忽恍。迎不见其首,随不见其后。执古之道,以语今之有。以知古始,是谓道已。

Chapitre XV

十五章

Dans l’Antiquité, ceux qui excellaient à pratiquer le Tao étaient déliés et subtils, abstraits et pénétrants.
Ils étaient tellement profonds qu’on ne pouvait les connaître.
Comme on ne pouvait les connaître, je m’efforcerai de donner une idée (de ce qu’ils étaient).
Ils étaient timides comme celui qui traverse un torrent en hiver.
Ils étaient irrésolus comme celui qui craint d'être aperçu de ses voisins.
Ils étaient graves comme un étranger (en présence de l’hôte).
Ils s’effaçaient comme la glace qui se fond.
Ils étaient rudes comme le bois non travaillé.
Il étaient vides comme une vallée.
Ils étaient troubles comme une eau limoneuse.
Qui est-ce qui sait apaiser peu à peu le trouble (de son cœur) en le laissant reposer?
Qui est-ce qui sait naître peu à peu (à la vie spirituelle) par un calme prolongé?
Celui qui conserve ce Tao ne désire pas d’être plein.
Il n’est pas plein (de lui-même), c’est pourquoi il garde ses défauts (apparents), et ne désire pas (d’être jugé) parfait.

古之善为士者,微妙玄通,深不可识。夫唯不可识,故强为之容:豫若冬涉川,犹若畏四邻,俨若客,涣若冰将释,敦若朴,混若浊,旷若谷。熟能浊以静之?徐清。安以动之?徐生。保此道者,不欲盈。夫唯不盈,能弊复成。

Chapitre XVI

十六章

Celui qui est parvenu au comble du vide garde fermement le repos.
Les dix mille êtres naissent ensemble; ensuite je les vois s’en retourner.
Après avoir été dans un état florissant, chacun d’eux revient à son origine.
Revenir à son origine s’appelle être en repos.
Être en repos s’appelle revenir à la vie.
Revenir à la vie s’appelle être constant.
Savoir être constant s’appelle être éclairé.
Celui qui ne sait pas être constant s’abandonne au désordre et s’attire des malheurs.
Celui qui sait être constant a une âme large.
Celui qui a une âme large est juste.
Celui qui est juste devient roi.
Celui qui est roi s’associe au ciel.
Celui qui s’associe au ciel imite le Tao.
Celui qui imite le Tao subsiste longtemps; jusqu’à la fin de sa vie, il n’est exposé à aucun danger.

致虚极,守静笃。万物并作,吾以观其复。夫物云云,各归其根。归根曰静,静曰复命,复命曰常,知常曰明。不知常,忘作,凶。知常容,容能公,公能王,王能天,天能道,道能久,没身不殆。

Chapitre XVII

十七章

Dans la Haute Antiquité, le peuple savait seulement qu’il avait des rois.
Les suivants, il les aima et leur donna des louanges.
Les suivants il les craignit.
Les suivants, il les méprisa.
Celui qui n’a pas confiance dans les autres n’obtient pas leur confiance.
(Les premiers) étaient graves et réservés dans leurs paroles.
Après qu’ils avaient acquis des mérites et réussi dans leurs desseins, les cent familles disaient: Nous suivons notre nature.

太上,下知有之;其次,亲之豫之;其次,畏之侮之。信不足,有不信!由其贵言。成功事遂,百姓谓我自然。

Chapitre XVIII

十八章

Quand la grande Voie eut dépéri, on vit paraître l’humanité et la justice.
Quand la prudence et la perspicacité se furent montrées, on vit naître une grande hypocrisie.
Quand les six parents eurent cessé de vivre en bonne harmonie, on vit des actes de piété filiale et d’affection paternelle.
Quand les États furent tombés dans le désordre, on vit des sujets fidèles et dévoués.

大道废,有人义。智惠出,有大伪。六亲不和,有孝慈。国家昏乱,有忠臣。

Chapitre XIX

十九章

Si vous renoncez à la sagesse et quittez la prudence, le peuple sera cent fois plus heureux.
Si vous renoncez à l’humanité et quittez la justice, le peuple reviendra à la piété filiale et à l’affection paternelle.
Si vous renoncez à l’habileté et quittez le lucre, les voleurs et les brigands disparaîtront.
Renoncez à ces trois choses et persuadez-vous que l’apparence ne suffit pas.
C’est pourquoi je montre aux hommes ce à quoi ils doivent s’attacher.
Qu’ils tâchent de laisser voir leur simplicité, de conserver leur pureté, d’avoir peu d’intérêts privés et peu de désirs.

绝圣弃智,民利百倍;绝民弃义,民复孝慈;绝巧弃利,盗贼无有。此三者,为文不足,故令有所属:见素抱朴,少私寡欲。

Chapitre XX

二十章

Renoncez à l’étude, et vous serez exempt de chagrins.
Combien est petite la différence de weï (un oui bref) et de o (un oui lent)!
Combien est grande la différence du bien et du mal!
Ce que les hommes craignent, on ne peut s’empêcher de le craindre.
Ils s’abandonnent au désordre et ne s’arrêtent jamais.
Les hommes de la multitude sont exaltés de joie comme celui qui se repaît de mets succulents, comme celui qui est monté, au printemps, sur une tour élevée.
Moi seul je suis calme: (mes affections) n’ont pas encore germé.
Je ressemble à un nouveau-né qui n’a pas encore souri à sa mère.
Je suis détaché de tout, on dirait que je ne sais où aller.
Les hommes de la multitude ont du superflu; moi seul je suis comme une homme qui a perdu tout.
Je suis un homme d’un esprit borné, je suis dépourvu de connaissances.
Les hommes de la multitude sont remplis de lumières; moi seul je suis comme plongé dans les ténèbres.
Les hommes du monde sont doués de pénétration; moi seul j’ai l’esprit trouble et confus.
Je suis vague comme la mer; je flotte comme si je ne savais où m’arrêter.
Les hommes de la multitude ont tous de la capacité; moi seul je suis stupide; je ressemble à un homme rustique.
Moi seul je diffère des autres hommes, parce que je révère la mère qui nourrit (tous les êtres).

绝学无忧。唯之与阿,相去几何?善之与恶,相去何若?人之所畏,不可不畏。忙兮其未央!众人熙熙,若享太牢,若春登台。我魄未兆,若婴儿未孩。乘乘无所归!众人皆有余,我独若遗。我愚人之心,纯纯。俗人昭昭,我独若昏。俗人察察,我独闷闷。淡若海,漂无所止。众人皆有已,我独顽似鄙。我独异于人,而贵食母。

Chapitre XXI

二十一章

Les formes visibles de la grande Vertu émanent uniquement du Tao.
Voici quelle est la nature du Tao.
Il est vague, il est confus.
Qu’il est confus, qu’il est vague!
Au-dedans de lui, il y a des images.
Qu’il est vague, qu’il est confus!
Au-dedans de lui il y a des êtres.
Qu'il est profond, qu'il est obscur!
Au-dedans de lui il y a une essence spirituelle. Cette essence spirituelle est profondément vraie.
Au-dedans de lui, réside le témoignage infaillible (de ce qu’il est); depuis les temps anciens jusqu’à aujourd’hui, son nom n’a point passé.
Il donne issue (naissance) à tous les êtres.
Comme sais-je qu’il en est ainsi de tous les êtres? (Je le sais) par le Tao.

孔得之容,唯道是从。道之为物,唯恍唯忽。忽恍中有象,恍忽中有物。真冥中有精,其精甚真,其中有信。自古及今,其名不去,以阅众甫。吾何以知众甫之然?以此。

Chapitre XXII

二十二章

Ce qui est incomplet devient entier.
Ce qui est courbé devient droit.
Ce qui est creux devient plein.
Ce qui est usé devient neuf.
Avec peu (de désirs) on acquiert le Tao; avec beaucoup (de désirs) on s’égare.
De là vient que le saint homme conserve l’Unité (le Tao), et il est le modèle du monde.
Il ne se met pas en lumière, c’est pourquoi il brille.
Il ne s’approuve point, c’est pourquoi il jette de l’éclat.
Il ne se vante point, c’est pourquoi il a du mérite.
Il ne se glorifie point, c’est pourquoi il est le supérieur des autres.
Il ne lutte point, c’est pourquoi il n’y a personne dans l’empire qui puisse lutter contre lui.
L’axiome des anciens: Ce qui est incomplet devient entier, était-ce une expression vide de sens?
Quand l’homme est devenu véritablement parfait, (le monde) vient se soumettre à lui.

曲则全,枉则正;洼则盈,弊则新;少则得,多则或。是以圣人抱一为天下式。不自见,故明;不自是,故彰;不自伐,故有功;不自矜,故长。夫惟不争,故天下莫能与之争。古之所谓‘曲则全’,岂虚语?故成全而归之。

Chapitre XXIII

二十三章

Celui qui ne parle pas (arrive au) non-agir.
Un vent rapide ne dure pas toute la matinée; une pluie violente ne dure pas tout le jour.
Qui est-ce qui produit ces deux choses? Le ciel et la terre.
Si le ciel et la terre même ne peuvent subsister longtemps, à plus forte raison l’homme!
C’est pourquoi si l’homme se livre au Tao, il s’identifie au Tao; s’il se livre à la vertu, il s’identifie à la vertu; s’il se livre au crime, il s’identifie au crime.
Celui qui s’identifie au Tao gagne le Tao; celui qui s’identifie au crime gagne (la honte du) crime.
Si on ne croit pas fortement (au Tao), l’on finit par n’y plus croire.

希言自然。飘风不终朝,骤雨不终日。熟为此?天地。天地上不能久,而况于人?故从事而道者,道德之;同于德者,德德之;同于失者,道失之。信不足,有不信。

Chapitre XXIV

二十四章

Celui qui se dresse sur ses pieds ne peut se tenir droit; celui qui étend les jambes ne peut marcher.
Celui qui tient à ses vues n’est point éclairé.
Celui qui s’approuve lui-même ne brille pas.
Celui qui se vante n’a point de mérite.
Celui qui se glorifie ne subsiste pas longtemps.
Si l’on juge cette conduite selon le Tao, on la compare à un reste d’aliments ou à un goitre hideux qui inspirent aux hommes un constant dégoût.
C’est pourquoi celui qui possède le Tao ne s’attache pas à cela.

企者不久,跨者不行,自见不明,自是不彰,自伐无功,自矜不长。其在道,曰余食赘行,物或有恶之,故有道不处。

Chapitre XXV

二十五章

Il est un être confus qui existait avant le ciel et la terre.
Ô qu’il est calme! Ô qu’il est immatériel!
Il subsiste seul et ne change point.
Il circule partout et ne périclite point.
Il peut être regardé comme la mère de l’univers.
Moi, je ne sais pas son nom.
Pour lui donner un titre, je l’appelle Voie (Tao).
En m’efforçant de lui faire un nom, je l’appelle grand.
De grand, je l’appelle fugace.
De fugace, je l’appelle éloigné.
D’éloigné, je l’appelle (l’être) qui revient.
C’est pourquoi le Tao est grand, le ciel est grand, la terre est grande, le roi aussi est grand.
Dans le monde, il y a quatre grandes choses, et le roi en est une. L’homme imite la terre; la terre imite le ciel, le ciel imite le Tao; le Tao imite sa nature.

有物混成,先天地生。寂漠!独立不改,周行不殆,可以为天下母。吾不知其名,强字之曰道,强为之名曰大。大曰逝,逝曰远,远曰返。道大,天大,地大,王大。域中有四大,而王处一。人法地,地法天,天法道,道法自然。

Chapitre XXVI

二十六章

Le grave est la racine du léger; le calme est le maître du mouvement.
De là vient que le saint homme marche tout le jour (dans le Tao) et ne s’écarte point de la quiétude et de la gravité.
Quoiqu’il possède des palais magnifiques, il reste calme et les fuit.
Mais hélas! les maîtres de dix mille chars se conduisent légèrement dans l’empire!
Par une conduite légère, on perd ses ministres; par l’emportement des passions, on perd son trône.

重为轻根,静为躁君。是以君子终日行,不离辎重,虽有荣观,燕处超然。如何万乘之主,以身轻天下?轻则失臣,躁则失君。

Chapitre XXVII

二十七章

Celui qui sait marcher (dans le Tao) ne laisse pas de traces; celui qui sait parler ne commet point de fautes; celui qui sait compter ne se sert point d’instruments de calcul; celui qui sait fermer (quelque chose) ne se sert point de verrou, et il est impossible de l’ouvrir; celui qui sait lier (quelque chose) ne se sert point de cordes, et il est impossible de le délier.
De là vient que le Saint excelle constamment à sauver les hommes; c’est pourquoi il n’abandonne pas les hommes.
Il excelle constamment à sauver les êtres; c’est pourquoi il n’abandonne pas les êtres.
Cela s’appelle être doublement éclairé.
C’est pourquoi l’homme vertueux est le maître de celui qui n’est pas vertueux.
L’homme qui n’est pas vertueux est le secours de l’homme vertueux.
Si l’un n’estime pas son maître, si l’autre n’affectionne pas celui qui est son secours, quand on leur accorderait une grande prudence, ils sont plongés dans l’aveuglement.
Voilà ce qu’il y a de plus important et de plus subtil!

善行,无辙迹;善言,无瘕谪;善计,不用筹策;善闭,无关键不可开;善结,无绳约不可解。是以圣人常善救人,而无弃人;常善救物,而无弃物。是谓袭明。善人,不善人之师;不善人,善人之资。不贵其师,不爱其资,虽知大迷,此谓要妙。

Chapitre XXVIII

二十八章

Celui qui connaît sa force et garde la faiblesse est la vallée de l’empire (c’est-à-dire le centre où accourt tout l’empire).
S’il est la vallée de l’empire, la vertu constante ne l’abandonnera pas; il reviendra à l’état d’enfant.
Celui qui connaît ses lumières et garde les ténèbres, est le modèle de l’empire.
S’il est le modèle de l’empire, la vertu constante ne faillira pas (en lui), et il reviendra au comble (de la pureté).
Celui qui connaît sa gloire et garde l’ignominie est aussi la vallée de l’empire.
S’il est la vallée de l’empire, sa vertu constante atteindra la perfection et il reviendra à la simplicité parfaite (au Tao).
Quand la simplicité parfaite (le Tao) s’est répandue, elle a formé les êtres.
Lorsque le saint homme est élevé aux emplois, il devient le chef des magistrats. Il gouverne grandement et ne blesse personne.

知其雄,守其雌,为天下蹊。为天下蹊,常德不离,复归于婴儿。知其白,守其黑,为天下式。常得不忒,复归于无极。知其荣,守其辱,为天下谷。为天下谷,常得乃足,复归于朴。朴散为器,圣人用为官长。是以大制无割。

Chapitre XXIX

二十九章

Si l’homme agit pour gouverner parfaitement l’empire, je vois qu’il n’y réussira pas.
L’empire est (comme) un vase divin (auquel l’homme) ne doit pas travailler.
S’il y travaille, il le détruit; s’il veut le saisir, il le perd.
C’est pourquoi, parmi les êtres, les uns marchent (en avant) et les autres suivent; les uns réchauffent et les autres refroidissent; les uns sont forts et les autres faibles, les uns se meuvent et les autres s’arrêtent.
De là vient que le saint homme supprime les excès, le luxe et la magnificence.

将欲取天下而为之,吾见其不得已。天下神器,不可为。为者败之,执者失之。夫物或行或随,或嘘或吹,或强或赢,或接或隳。是以圣人去甚,去奢,去泰。

Chapitre XXX

三十章

Celui qui aide le maître des hommes par le Tao ne (doit pas) subjuguer l’empire par les armes.
Quoi qu’on fasse aux hommes, ils rendent la pareille.
Partout où séjournent les troupes, on voit naître les épines et les ronces.
À la suite des grandes guerres, il y a nécessairement des années de disette.
L’homme vertueux frappe un coup décisif et s’arrête. Il n’ose subjuguer l’empire par la force des armes.
Il frappe un coup décisif et ne se vante point.
Il frappe un coup décisif et ne se glorifie point.
Il frappe un coup décisif et ne s’enorgueillit point.
Il frappe un coup décisif et ne combat que par nécessité.
Il frappe un coup décisif et ne veut point paraître fort.
Quand les êtres sont arrivés à la plénitude de leur force, ils vieillissent.
Cela s’appelle ne pas imiter le Tao. Celui qui n’imite pas le Tao ne tarde pas à périr.

以道作人主者,不以兵强天下,其事好还:师之所处,荆棘生。故善者果而已,不以取强。果而勿骄,果而勿矜,果而勿伐,果而不得以,是果而勿强。物牡则老,谓之非道,非道早已。

Chapitre XXXI

三十一章

Les armes les plus excellentes sont des instruments de malheur.
Tous les hommes les détestent. C’est pourquoi celui qui possède le Tao ne s’y attache pas.
En temps de paix, le sage estime la gauche; celui qui fait la guerre estime la droite.
Les armes sont des instruments de malheur; ce ne sont point les instruments du sage.
Il ne s’en sert que lorsqu’il ne peut s’en dispenser, et met au premier rang le calme et le repos.
S’il triomphe, il ne s’en réjouit pas. S’en réjouir, c’est aimer à tuer les hommes.
Celui qui aime à tuer les hommes ne peut réussir à régner sur l’empire.
Dans les événements heureux, on préfère la gauche; dans les événements malheureux, on préfère la droite.
Le général en second occupe la gauche; le général en chef occupe la droite.
Je veux dire qu’on le place suivant les rites funèbres.
Celui qui a tué une multitude d’hommes doit pleurer sur eux avec des larmes et des sanglots.
Celui qui a vaincu dans un combat, on le place suivant les rites funèbres.

夫佳兵者,不祥之器,物或恶之,故有道不处。君子居则贵左,用兵则贵右。兵者不祥之器,非君子之器,不得已而用之,恬惔为上,故不美,若美之,是乐杀人。夫乐杀者,不可得意于天下。故吉事尚左,凶事尚右。是以偏将军居左,上将军居右。杀人众多,以悲哀泣之;战胜,以哀礼处之。

Chapitre XXXII

三十二章

Le Tao est éternel et n’a pas de nom.
Quoiqu’il soit petit de sa nature, le monde entier ne pourrait le subjuguer.
Si les vassaux et les rois peuvent le conserver, tous les êtres viendront spontanément se soumettre à eux.
Le ciel et la terre s’uniront ensemble pour faire descendre une douce rosée, et les peuples se pacifieront d’eux-mêmes sans que personne le leur ordonne.
Dès que le Tao se fut divisé, il eut un nom.
Ce nom une fois établi, il faut savoir se retenir.
Celui qui sait se retenir ne périclite jamais.
Le Tao est répandu dans l’univers.
(Tous les êtres retournent à lui) comme les rivières et les ruisseaux des montagnes retournent aux fleuves et aux mers.

道常无名。朴虽小,天下不敢臣。王侯若能守,万物将自宾。天地相合,以降甘露,人莫之令而自均。始制有名。名亦既有,天将知止。知止不殆。譬道在天下,犹川谷与江海。

Chapitre XXXIII

三十三章

Celui qui connaît les hommes est prudent.
Celui qui se connaît lui-même est éclairé.
Celui qui dompte les hommes est puissant.
Celui qui se dompte lui-même est fort.
Celui qui sait se suffire est assez riche.
Celui qui agit avec énergie est doué d’une ferme volonté.
Celui qui ne s’écarte point de sa nature subsiste longtemps.
Celui qui meurt et ne périt pas jouit d’une (éternelle) longévité.

知人者智,自知者明。胜人有力,自胜者强。知足者富,强行有志。不失其所者久,死而不亡者寿。

Chapitre XXXIV

三十四章

Le Tao s’étend partout; il peut aller à gauche comme à droite.
Tous les êtres comptent sur lui pour naître, et il ne les repousse point.
Quand ses mérites sont accomplis, il ne se les attribue point.
Il aime et nourrit tous les êtres, et ne se regarde pas comme leur maître.
Il est constamment sans désirs: on peut l’appeler petit.
Tous les êtres se soumettent à lui, et il ne se regarde pas comme leur maître: on peut l’appeler grand.
De là vient que, jusqu’à la fin de sa vie, le saint homme ne s’estime pas grand.
C’est pourquoi il peut accomplir de grandes choses.

大道汜,其可左右。万物恃之以生而不辞,成功不名有。爱养万物不为主,可名于大。是以圣人终不为大,故能成其大。

Chapitre XXXV

三十五章

Le saint garde la grande image (le Tao), et tous les peuples de l’empire accourent à lui.
Ils accourent, et il ne leur fait point de mal; il leur procure la paix, le calme et la quiétude.
La musique et les mets exquis retiennent l’étranger qui passe.
Mais lorsque le Tao sort de notre bouche, il est fade et sans saveur.
On le regarde et l’on ne peut le voir; on l’écoute et l’on ne peut l’entendre; on l’emploie et l’on ne peut l’épuiser.

执大象,天下往。往而不害,安平太。乐与饵,过客止。道出言,淡无味,视不足见,听不足闻,用不可既。

Chapitre XXXVI

三十六章

Lorsqu’une créature est sur le point de se contracter, (on reconnaît) avec certitude que dans l’origine elle a eu de l’expansion.
Est-elle sur le point de s’affaiblir, (on reconnaît) avec certitude que dans l’origine elle a eu de la force.
Est-elle sur le point de dépérir, (on reconnaît) avec certitude que dans l’origine elle a eu de la splendeur.
Est-elle sur le point d’être dépouillée de tout, (on reconnaît) avec certitude que dans l’origine elle a été comblée de dons.
Cela s’appelle (une doctrine à la fois) cachée et éclatante.
Ce qui est mou triomphe de ce qui est dur; ce qui est faible triomphe de ce qui est fort.
Le poisson ne doit point quitter les abîmes; l’arme acérée du royaume ne doit pas être montrée au peuple.

将欲翕之,必故张之;将欲弱之,必故强之;将欲废之,必固兴之;将欲夺之,必固与之。是谓微明。柔胜刚,弱胜强。鱼不可脱于渊,国有利器,不可示人。

Chapitre XXXVII

三十七章

Le Tao pratique constamment le non-agir et (pourtant) il n’y a rien qu’il ne fasse.
Si les rois et les vassaux peuvent le conserver, tous les êtres se convertiront.
Si, une fois convertis, ils veulent encore se mettre en mouvement, je les contiendrai à l’aide de l’être simple qui n’a pas de nom (c’est-à-dire le Tao).
L’être simple qui n’a pas de nom, il ne faut pas même le désirer. L’absence de désirs procure la quiétude.
Alors l’empire se rectifie de lui-même.
LIVRE II.

道常无为而无不为。侯王若能守,万物将自化。化而欲作,吾将镇之以无名之朴。无名之朴,亦将不欲。不欲以静,天下将自正。

Chapitre XXXVIII

三十八章

Les hommes d’une vertu supérieure ignorent leur vertu; c’est pourquoi ils ont de la vertu.
Les hommes d’une vertu inférieure n’oublient pas leur vertu; c’est pourquoi ils n’ont pas de vertu.
Les hommes d’une vertu supérieure la pratiquent sans y songer.
Les hommes d’une vertu inférieure la pratiquent avec intention.
Les hommes d’une humanité supérieure la pratiquent sans y songer.
Les hommes d’une équité supérieure la pratiquent avec intention.
Les hommes d’une urbanité supérieure la pratiquent et personne n’y répond; alors ils emploient la violence pour qu’on les paye de retour.
C’est pourquoi l’on a de la vertu après avoir perdu le Tao; de l’humanité après avoir perdu la vertu; de l’équité après avoir perdu l’humanité; de l’urbanité après avoir perdu l’équité.
L’urbanité n’est que l’écorce de la droiture et de la sincérité; c’est la source du désordre.
Le faux savoir n’est que la fleur du Tao et le principe de l’ignorance.
C’est pourquoi un grand homme s’attache au solide et laisse le superficiel.
Il estime le fruit et laisse la fleur.
C’est pourquoi il rejette l’une et adopte l’autre.

上德不德,是以有德。下德不失德,是以无德。上德无为而无以为,下德无为而有以为。上仁为之而无以为,上义为之而有以为。上礼为之而莫之应,则攘臂而仍之。故失道而后德,失德而后仁,失仁而后义,失义而后礼。夫礼者,忠信之薄,而乱之首。前识者,道之华,而愚之始。是以大丈夫处其厚不处其薄,居其实不居其华。故去彼取此。

Chapitre XXXIX

三十九章

Voici les choses qui jadis ont obtenu l’Unité.
Le ciel est pur parce qu’il a obtenu l’Unité.
La terre est en repos parce qu’elle a obtenu l’Unité.
Les esprits sont doués d’une intelligence divine parce qu’ils ont obtenu l’Unité.
Les vallées se remplissent parce qu’elles ont obtenu l’Unité.
Les dix mille êtres naissent parce qu’ils ont obtenu l’Unité.
Les princes et rois sont les modèles du monde parce qu’ils ont obtenu l’Unité.
Voilà ce que l’unité produit.
Si le ciel perdait sa pureté, il se dissoudrait;
Si la terre perdait son repos, elle s’écroulerait;
Si les esprits perdaient leur intelligence divine, ils s’anéantiraient;
Si les vallées ne se remplissaient plus, elles se dessécheraient;
Si les dix mille êtres ne naissaient plus, ils s’éteindraient;
Si les princes et les rois s’enorgueillissaient de leur noblesse et de leur élévation, et cessaient d’être les modèles (du monde), ils seraient renversés.
C’est pourquoi les nobles regardent la roture comme leur origine; les hommes élevés regardent la bassesse de la condition comme leur premier fondement.
De là vient que les princes et les rois s’appellent eux-mêmes orphelins, hommes de peu de mérite, hommes dénués de vertu.
Ne montrent-ils pas par là qu’ils regardent la roture comme leur véritable origine? Et ils ont raison!
C’est pourquoi si vous décomposez un char, vous n’avez plus de char.
(Le sage) ne veut pas être estimé comme le jade, ni méprisé comme la pierre.

昔之得一者:天得一以清,地得一以宁,神得一以灵,谷得一以盈,万物得一以生,侯王得一以为天下正。天无以清,将恐裂;地无以宁,将恐发;神无以灵,将恐歇;谷无以盈,将恐竭;万物无以生,将恐灭;侯王无以贞,将恐蹶。故贵以贱为本,高以下为基。是以侯王自谓孤、寡、不毂,此其以贱为本耶非?故致数车无车。不欲琭琭如玉,落落如石。

Chapitre XL

四十章

Le retour au non-être (produit) le mouvement du Tao.
La faiblesse est la fonction du Tao.
Toutes les choses du monde sont nées de l’être; l’être est né du non-être.

反者道之动,弱者道之用。天下万物生于有,有生于无。

Chapitre XLI

四十一章

Quand les lettrés supérieurs ont entendu parler du Tao, ils le pratiquent avec zèle.
Quand les lettrés du second ordre ont entendu parler du Tao, tantôt ils le conservent, tantôt ils le perdent.
Quand les lettrés inférieurs ont entendu parler du Tao, imi ils le tournent en dérision. S’ils ne le tournaient pas en dérision, il ne mériterait pas le nom de Tao.
C’est pourquoi les anciens disaient:
Celui qui à l’intelligence du Tao paraît enveloppé de ténèbres.
Celui qui est avancé dans le Tao ressemble à un homme arriéré.
Celui qui est à la hauteur du Tao ressemble à un homme vulgaire.
L’homme d’une vertu supérieure est comme une vallée.
L’homme d’une grande pureté est comme couvert d’opprobre.
L’homme d’un mérite immense paraît frappé d’incapacité.
L’homme d’une vertu solide semble dénué d’activité.
Lihomme simple et vrai semble vil et dégradé.
C’est un grand carré dont on ne voit pas les angles; un grand vase qui semble loin d’être achevé; une grande voix dont le son est imperceptible; une grande image dont on n’aperçoit point la forme!
Le Tao se cache et personne ne peut le nommer.
Il sait prêter (secours aux êtres) et les conduire à la perfection.

上士闻道,勤而行之;中士闻道,若存若亡;下士闻道,大笑之。不笑不足以为道。故建言有之:明道若昧,进道若退,夷道若类,上德若谷,大白若辱,广德若不足,建德若偷,质真若渝,大方无隅,大器晚成,大音希声,大象无形。道隐无名。夫唯道,善贷且善。

Chapitre XLII

四十二章

Le Tao a produit un; un a produit deux; deux a produit trois; trois a produit tous les êtres.
Tous les êtres fuient le calme et cherchent le mouvement.
Un souffle immatériel forme l’harmonie.
Ce que les hommes détestent, c’est d’être orphelins, imparfaits, dénués de vertu, et cependant les rois s'appellent ainsi eux-mêmes.
C’est pourquoi, parmi les êtres, les uns s’augmentent en se diminuant; les autres se diminuent en s’augmentant.
Ce que les hommes enseignent, je l’enseigne aussi.
Les hommes violents et inflexibles n’obtiennent point une mort naturelle.
Je veux prendre leur exemple pour la base de mes instructions.

道生一,一生二,二生三,三生万物。万物负阴而抱阳,冲气以为和。人之所恶,唯孤、寡、不毂,而王公以为称。故物或损之而益,或益之而损。人之所教,我亦教之:强梁者不得其死,吾将以为教父。

Chapitre XLIII

四十三章

Les choses les plus molles du monde subjuguent les choses les plus dures du monde.
Le non-être traverse les choses impénétrables. C’est par là que je sais que le non-agir est utile.
Dans l’univers, il y a bien peu d’hommes qui sachent instruire sans parler et tirer profit du non-agir.

天下之至柔,驰骋天下之至坚。无有入于无闻。是以知无为有益。不言之教,无为之益,天下希及之。

Chapitre XLIV

四十四章

Qu’est-ce qui nous touche de plus près, de notre gloire ou de notre personne?
Qu’est-ce qui nous est le plus précieux, de notre personne ou de nos richesses?
Quel est le plus grand malheur, de les acquérir ou de les perdre?
C’est pourquoi celui qui a de grandes passions est nécessairement exposé à de grands sacrifices.
Celui qui cache un riche trésor éprouve nécessairement de grandes pertes.
Celui qui sait se suffire est à l’abri du déshonneur.
Celui qui sait s’arrêter ne périclite jamais.
Il pourra subsister longtemps.

名与身熟亲?身与货熟多?得与亡熟病?是故甚爱必大费,多藏必厚亡。故知足不辱,知止不殆,可以长久。

Chapitre XLV

四十五章

(Le Saint) est grandement parfait, et il paraît plein d’imperfections; ses ressources ne s’usent point.
Il est grandement plein, et il paraît vide; ses ressources · ne s’épuisent point.
Il est grandement droit, et il semble manquer de rectitude.
Il est grandement ingénieux, et il paraît stupide.
Il est grandement disert, et il paraît bègue.
Le mouvement triomphe du froid; le repos triomphe de la chaleur.
Celui qui est pur et tranquille devient le modèle de l’univers.

大成若缺,其用不弊。大盈若冲,其用不穷。大直若屈,大巧若拙,大辩若讷。躁胜塞,静胜热,清静以为天下正。

Chapitre XLVI

四十六章

Lorsque le Tao régnait dans le monde, on renvoyait les chevaux pour cultiver les champs.
f Depuis que le Tao ne règne plus dans le monde, les chevaux de combat naissent sur les frontières.
Il n’y a pas de plus grand crime que de se livrer à ses désirs.
Il n’y a pas de plus grand malheur que de ne pas savoir se suffire.
il Il n’y a pas de plus grande calamité que le désir d’acquérir.
Celui qui sait se suffire est toujours content de son sort.

天下有道,却走马以粪;天下无道,戎马生于郊。罪莫大于可欲,祸莫大于不知足,罪莫大于欲得。故知足之足,常足。

Chapitre XLVII

四十七章

Sans sortir de ma maison, je connais l’univers; sans regarder par ma fenêtre, Je découvre les voies du ciel.
Plus l’on s’éloigne et moins l'on apprend.
C’est pourquoi le sage arrive (où il veut) sans marcher; il nomme les objets sans les voir; sans agir, il accomplit de grandes choses.

不出户,知天下;不窥牖,见天道。其出弥远,其知弥近。是以圣人不行而知,不见而名,不为而成。

Chapitre XLVIII

四十八章

Celui qui se livre à l’étude augmente chaque jour (ses connaissances).
Celui qui se livre au Tao diminue chaque jour (ses passions).
Il les diminue et les diminue sans cesse jusqu’à ce qu’il soit arrivé au non-agir.
Dès qu’il pratique le non-agir, il n’y a rien qui lui soit impossible.
C’est toujours par le non-agir que l’on devient le maître de l’empire.
Celui qui aime à agir est incapable de devenir le maître de l’empire.

为学日益,为道日损,损之又损之,以至于无为。无为无不为。取天下常以无事,及其有事,不足以取天下。

Chapitre XLIX

四十九章

Le Saint n’a point de sentiments immuables. Il adopte les sentiments du peuple.
Celui qui est vertueux, il le traite comme un homme vertueux; celui qui n’est pas vertueux, il le traite aussi comme un homme vertueux. C’est là le comble de la vertu.
Celui qui est sincère, il le traité comme un homme sincère; celui qui n’est pas sincère, il le traité aussi comme un homme sincère. C’est là le comble de la sincérité.
Le Saint vivant dans le monde reste calme et tranquille, et conserve les mêmes sentiments pour tous.
Les cent familles attachent sur lui leurs oreilles et leurs yeux.
Le Saint regarde le peuple comme un enfant.

圣人无心,以百姓心为心。善者吾善之,不善者吾亦善之,得善。信者吾信之,不信者吾亦信之,得信。圣人在天下,怵怵;为天下,浑其心。百姓皆注其耳目,圣人皆孩之。

Chapitre L

五十章

L’homme sort de la vie pour entrer dans la mort.
Il y a treize causes de vie et treize causes de mort.
À peine est-il né que ces treize causes de mort l’entraînent rapidement au trépas.
Quelle en est la raison? C’est qu’il veut vivre avec trop d’intensité.
Or j’ai appris que celui qui sait gouverner sa vie ne craint sur sa route ni le rhinocéros, ni le tigre.
S’il entre dans une armée, il n’a besoin ni de cuirasse, ni d’armes.
Le rhinocéros ne saurait où le frapper de sa corne, le tigre où le déchirer de ses ongles, le soldat où le percer de son glaive.
Quelle en est la cause? Il est à l’abri de la mort!

出生入死。生之徒十有三,死之徒十有三,人之生,动之死地,十有三。夫何故?以其生生之厚。盖闻善摄生者,陆行不遇虎兕,入军不被甲兵。兕无所投其角,虎无所措其爪,兵无所容其刃。夫何故?以其无死地。